Penser et agir pour l’entrepreneuriat en Afrique

Sénégal

Mesurer l’Impact des Institutions Éducatives dans l’Enseignement Supérieur en Afrique de l’Ouest : les indicateurs clés

Depuis les années 2000, on observe le développement massif des offres privées d’enseignement supérieur. Cette offre, se caractérise par une diversité, allant des micro-établissements disposant de peu de moyens à…

Depuis les années 2000, on observe le développement massif des offres privées d’enseignement supérieur. Cette offre, se caractérise par une diversité, allant des micro-établissements disposant de peu de moyens à de grands groupes universitaires. Cette croissance rapide renforce la nécessité de mesurer l’impact social de ces institutions, pour garantir et contrôler la qualité de l’offre de formation.

En partenariat avec 60 Décibels (1), société de mesure d’impact,  I&P Education et Emploi (2), programme de financement qui vise à améliorer l’accès à une éducation de qualité, a mis en place des enquêtes « lean data » afin de contrôler et d’améliorer la mesure de l’impact des entreprises financées par le programme.

Entre 2021 et 2023, 60dB a réalisé 23 études avec 18 établissements d’enseignement post-secondaire. Des chercheurs formés par 60dB ont mené 5 448 entretiens téléphoniques avec les anciens étudiants des établissements. Ces anciens élèves ont été sélectionnés au hasard dans des bases de données compilées et partagées par chaque institution, avec des cohortes allant de 5 ans jusqu’à leur entrée dans le programme IP2E. Dans la mesure du possible, 60dB a ciblé un échantillon de 200 à 250 anciens élèves par institution, afin de garantir un niveau de confiance de 90% et une marge d’erreur de 5%. Ces données étaient essentielles pour aider les entreprises à mieux comprendre leur rôle dans les parcours professionnels de leurs anciens étudiants. Ils ont orienté la mise en œuvre de stratégies, soutenues par IP2E, afin d’améliorer leur impact sur leurs étudiants actuels.

Dans un contexte sous-régional de manque de données, cet article revient sur les principaux indicateurs que les entreprises éducatives devraient prendre en compte dans la mesure de leur impact.

Pour accéder au rapport dans son intégralité : cliquer ici 

Rapport : L’impact des entreprises éducatives privées sur l’employabilité des jeunes en Afrique

 

  • Comprendre le profil démographique de ses étudiants

Les établissements doivent comprendre l’origine, non seulement géographique, mais aussi socio-économique de leurs étudiants. Ces segmentations sont essentielles, afin d’évaluer si tous les étudiants, quel que soit leur genre, âge, niveau socio-économique, lieu de vie, possèdent les mêmes chances de trouver un emploi. Ces paramètres peuvent guider les entreprises dans la mise en place de mécanismes spécifiques, tels que des bourses sociales, ou encore la délocalisation dans des zones rurales.

I&P, à travers le programme IP2E, cherche à savoir si les étudiants sont issus de milieux défavorisés, en examinant des variables clés : s’ils vivent dans des zones rurales, s’ils étudient dans des zones où les indicateurs de développement socio-économique sont faibles et s’ils ont besoin de mécanismes d’inclusion sociale (c’est-à-dire de bourses) pour poursuivre leurs études. Dans le cadre de ce rapport, les établissements comptant plus de 80% d’étudiants issus de milieux défavorisés sont classés comme ayant un niveau de désavantage « élevé ».

Démographie

  • Mesurer l’insertion professionnelle

L’insertion professionnelle des diplômés est un indicateur clé de l’efficacité des institutions éducatives, mais sa mesure est complexe.

Dans le cadre de cette étude, le taux d’insertion désigne la proportion d’anciens étudiants qui déclarent être actuellement employés et qui déclarent avoir trouvé un emploi dans les six mois suivant l’obtention de leur diplôme. Les taux d’insertion des diplômés peuvent être influencés par des facteurs externes tels que la conjoncture économique, rendant difficile l’attribution directe de l’emploi à la qualité de l’éducation reçue.

Au moment de l’étude, 61% des anciens étudiants des établissements du portefeuille IP2E avaient un emploi. 39% l’ont trouvé dans les six mois suivant leur formation.

Les établissements doivent également comprendre les raisons de non-emploi de leurs alumni. Les anciens étudiants interrogés évoquent le manque d’opportunités d’emploi dans un environnement concurrentiel, des problèmes administratifs avec leurs institutions et des transitions de carrière pour expliquer cette situation. 10% d’entre eux poursuivaient leurs études au moment de l’étude.

Taux d'insertion

  • Identifier les filières les plus porteuses

L’étude a révélé que les anciens élèves titulaires d’un diplôme de la formation professionnelle sont plus susceptibles d’entrer de manière indépendante sur le marché du travail et ont donc le taux d’insertion moyen le plus élevé, à savoir 46%. Les établissements doivent également déterminer si les compétences transmises sont utilisées par les étudiants dans leur travail.

  • Connaître les canaux d’insertion professionnelle

Les établissements peuvent mesurer leur contribution à la recherche d’emploi des étudiants. Pour cela, elles doivent identifier par quels intermédiaires les étudiants ont trouvé leur emploi. Dans notre étude, près de 3 anciens étudiants sur 10 comptent sur leurs amis ou leur famille pour trouver un emploi. 15% d’entre eux s’appuient également sur des réseaux externes. Seuls 12% trouvent leur emploi grâce aux services d’orientation professionnelle des écoles. Cet élément se révèle être pourtant un des principaux éléments de satisfaction des étudiants pour recommander leur établissement. De ce fait, les entreprises doivent renforcer leurs services carrières.

  • S’informer sur la satisfaction des diplômés

La situation professionnelle des anciens étudiants influence leur niveau de satisfaction à l’égard de l’établissement. Le Net Promoter Score (NPS) est un indicateur courant de la satisfaction et de la fidélité des clients. L’étude révèle qu’il est plus élevé chez les étudiants qui ont un emploi que chez les chômeurs. Les anciens étudiants prennent en compte la qualité des formations, la pertinence des formations, l’environnement d’apprentissage et le soutien apporté aux étudiants dans la recherche d’emploi.

  • Intégrer la multi-dimensionnalité de la mesure d’impact

60 dB a créé un indice d’impact propre à I&P : l’I&P Education Impact, qui inclut les facteurs les plus cités par les alumni dans la définition de leur qualité de vie. Il a été mesuré à travers une question délibérément ouverte, pour connaître la perception des anciens élèves sur leur bien-être. Les paramètres les plus importants qui en sont sortis sont :

      • Les conditions d’emploi : le facteur le plus fondamental est d‘avoir un emploi, que ce soit de manière formelle ou informelle, ou par le biais d’une activité indépendante ou d’un rôle de conseiller.
      • Le premier emploi : l’obtention d’un premier emploi dans les six mois suivant l’obtention du diplôme est également un facteur clé de l’efficacité de l’insertion professionnelle.
      • Les prestations de retraite : la pension de retraite est la première prestation sociale déclarée et sert d’indicateur de l’emploi formel. C’est un signe d’accès à une prestation de base et essentielle.
      • La satisfaction en matière d’emploi : le type d’emploi (formel, informel, stage, auto-emploi) joue également un rôle clé.
      • La satisfaction en matière de salaire : de même, au-delà de la satisfaction à l’égard de l’emploi lui-même, la satisfaction à l’égard du salaire est également importante, car elle couvre les aspects financiers.
      • La qualité de Vie : l’amélioration du bien-être général, telle qu’elle est perçue par les anciens élèves eux-mêmes, est un indicateur d’impact primordial.

Qualité de vie

 

D’ici 2030, 30 millions de jeunes entreront chaque année sur le marché du travail africain. Les universités et les centres de formation professionnelle jouent un rôle primordial pour permettre aux étudiants de développer au maximum leurs acquis et apporter une contribution efficace sur le marché du travail. L’impact des institutions éducatives dans l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest est multidimensionnel, englobant l’insertion professionnelle, l’inclusion sociale et l’amélioration de la qualité de vie des étudiants. Mesurer cet impact présente des défis significatifs mais essentiels pour informer les politiques éducatives et les pratiques institutionnelles.


(1) 60 Decibels est une société de mesure d’impact qui apporte rapidité et évolutivité à la mesure de l’impact social et à la connaissance de ses clients.

(2) L’Initiative I&P Éducation et Emploi (IP2E), programme de financement d’impact lancé en 2021 qui vise à améliorer l’accès à une éducation de qualité et à renforcer l’adéquation formation-emploi en Afrique, afin de garantir de meilleures opportunités d’emploi. IP2E finance et soutient les entreprises privées de l’écosystème de l’éducation post-secondaire.

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Entretiens avec l’écosystème éducatif au sénégal : les impératifs à l’employabilité

Chaque année, le Sénégal voit émerger une cohorte de 200 000 jeunes sur son marché du travail, selon les données officielles du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle de…

Chaque année, le Sénégal voit émerger une cohorte de 200 000 jeunes sur son marché du travail, selon les données officielles du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle de l’Apprentissage et de l’Insertion. Pourtant, malgré cette abondance de main-d’œuvre potentielle, le chômage des jeunes reste une préoccupation majeure.

Cette réalité soulève une question cruciale : pourquoi cet écart entre l’offre et la demande d’emplois ? Et pourquoi tant de jeunes diplômés peinent-ils à trouver une place sur le marché de l’emploi ?

Au 21ème siècle, les métiers ont connu une évolution grandissante et continue, en exigeant des diplômés des qualités non seulement techniques mais surtout, d’être en mesure de faire preuve d’habiletés et d’attitudes personnelles et interpersonnelles : les soft skills.

Dans cet article, nous échangeons avec plusieurs acteurs de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’entrepreneuriat au Sénégal,  sur l’actualisation des connaissances et sur l’importance de développer les soft skills dans une optique d’employabilité.

 

” Les compétences sur lesquelles sont formées les jeunes ne sont pas toujours adaptées aux besoins réels du marché du travail “

La formation des jeunes doit être alignée avec les besoins réels du marché du travail pour garantir une transition efficace de l’éducation à l’emploi.  Cet écart s’explique, d’une part, par le fait que l’on met trop l’accent sur l’acquisition de connaissances théoriques au détriment des compétences pratiques. Sur le court et moyen terme, ce décalage peut être comblé par un apprentissage sur terrain dès les premières années de formation, à travers des stages en entreprise ou des alternances. En second lieu, il y a le retard technologique : les avancées technologiques modifient constamment les exigences en matière de compétence et les programmes de formation ne sont pas actualisés assez rapidement pour suivre cette évolution.

– Florence Diob, Responsable du Financement du Fonds de Financement de la Formation professionnelle et technique

 

” Développer tout autant les Soft skills que les Hard skills “

La qualité de l’éducation s’est sensiblement améliorée, du moins du point de vue technique, mais l’employabilité exige que les apprenants développent les soft skills tout autant que les hard skills. Communiquer efficacement, résoudre des conflits, gérer les relations interpersonnelles… ces aptitudes peuvent s’acquérir dans un circuit de formation initial, mais également via des offres de formations continues et de courte durée. Travailler ces aspects-là permettent d’acquérir un ensemble complet de compétences qui sont nécessaires pour réussir et s’imposer dans un monde professionnel concurrentiel.

– Harouna Thiam, Responsable Formation-Insertion – Ministère de la Formation Professionnelle et Technique

 

” Enseigner et professionnaliser “

Il y a une différence notable entre enseigner, qui est le fait de transmettre des connaissances et des concepts, et professionnaliser, qui vise à préparer les apprenants dans un environnement professionnel en développant des compétences pratiques et applicables.

Nous proposons une formation école-entreprise, donc enseignement-professionnalisation, avec deux restaurants d’application et une pâtisserie afin de permettre aux étudiants d’être exposés à un environnement professionnel dès leurs parcours d’apprentissage. Depuis 2006, nous avons également mis en place des partenariats avec de grandes institutions hôtelières pour le recrutement de jeunes apprenants. Dans un futur proche, nous prévoyons également de créer une agence de placement pour nos sortants.

– Sidy Dieme, Directeur de l’Institut Les Marmitons[1]

 

” Une école entrepreneuriale “

Une grande majorité des cursus de formation apprennent aux étudiants comment effectuer un travail. Nous nous sommes donnés comme mission de leur apprendre à en créer. Les actions débutent depuis la première année de licence avec l’insertion du module entrepreneurial dans le programme de licence pour compléter les compétences managériales.

L’école entrepreneuriale se déroule sur 3 étapes :

  • En 1e année : Découverte de l’entreprenariat avec une idée de projet pour chaque étudiant ;
  • En 2e année : Les étudiants vont créer une mini entreprise ou scénario pour un service ;
  • En 3e année : création d’un business plan.

Nous nous concentrons spécifiquement sur le développement des compétences entrepreneuriales, des connaissances en gestion d’entreprise et des aptitudes nécessaires pour créer, gérer et développer une entreprise avec succès.

– Georges Ndeye, Directeur Général d’ISM Ziguinchor [2]

 

” Les économistes doivent faire une cartographie des besoins en termes d’emploi” 

Les grandes tendances du marché du travail peuvent s’anticiper. La cartographie des besoins en termes d’emploi est cruciale pour garantir une meilleure adéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail, favoriser le développement économique, réduire le chômage et améliorer la productivité et la compétitivité des travailleurs et des entreprises.

D’un côté, les résultats de cette cartographie permettraient à un nombre plus conséquent de jeunes de mieux s’orienter dans le choix de leurs parcours académique, et préviendrait par la même occasion une potentielle pénurie de compétences.

– Mame Pemba Balde, HR Manager CRS Afrique de l’Ouest [3]

 

Le développement du capital humain pour les compétences d’adaptabilité et d’intégration dans un marché du travail en pleine mutation, souligne l’importance de repenser les stratégies éducatives. Les programmes de formation doivent désormais non seulement motiver les étudiants, mais aussi les préparer activement à leur future carrière en développant leurs soft skills.
Cette approche nécessite une réévaluation du rôle de la formation initiale, en mettant l’accent sur le renforcement de la confiance en soi, l’épanouissement individuel et le développement des compétences transversales à travers des stages et des immersions en entreprise.

En investissant dans le développement des soft skills, en adaptant les programmes éducatifs aux besoins du marché du travail et en favorisant la collaboration entre ces différents acteurs, le Sénégal peut créer un environnement propice à l’épanouissement professionnel de sa jeunesse et à une croissance économique durable.

 


[1] *Les Marmitons est un institut de formation aux métiers de la gastronomie, de l’hôtellerie et du tourisme au Sénégal. En savoir plus

[2] ISM Ziguinchor est un établissement d’enseignement privé installé à Ziguinchor depuis 2005. En savoir plus 

[3] CRS est une organisation humanitaire internationale, dont les objectifs comprennent la fourniture d’aide d’urgence, la promotion du développement économique et social, ainsi que le plaidoyer pour la justice sociale En savoir plus.

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La FinTech au service des PME africaines – Un entretien avec Omar Cissé d’ InTouch Group

Selon un rapport de la BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest), le taux de bancarisation strict en Afrique subsaharienne est passé de 19% à 21.8% entre 2020…

Selon un rapport de la BCEAO (Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest), le taux de bancarisation strict en Afrique subsaharienne est passé de 19% à 21.8% entre 2020 et 2021. Une évolution régulière et soutenue depuis les dix dernières années mais qui place encore les pays de la zone UEMOA parmi les pays ayant les plus faibles taux de bancarisation dans le monde. 

Ce faible taux prive une importante partie de la population de services financiers de base et limite leur participation à l’économie formelle. Ce retard est aujourd’hui en grande partie compensé par l’adoption massive de nouvelles technologies financières (FinTech) sur le continent, notamment le mobile banking, plus encore depuis la période Covid. 

Sur le même sujet : Les PME africaines ont le potentiel d’être à la pointe du digital de demain

Entreprenante Afrique s’est entretenue avec Omar Cissé, fondateur de InTouch, Fintech panafricaine lancée en 2014 proposant une solution digitale panafricaine et sur mesure, de gestion de paiement sécurisée, permettant à ses utilisateurs d’administrer, depuis une plateforme unique, la quasi-totalité des moyens de paiement présents dans les pays où InTouch est déployé. 

Omar Cissé revient avec nous sur la trajectoire de InTouch depuis sa création, les facteurs de succès, ce qu’apporte la FinTech dans le paysage économique africain et aux entrepreneurs en particulier.

 

Entreprenante Afrique : En un peu moins d’une décennie, InTouch s’est imposé dans le paysage de la FinTech en Afrique. Est-ce que InTouch peut être considéré comme une licorne ?

Omar Cissé Omar Cissé : Nous espérons le devenir d’ici 2027. Nous avons un EBITDA positif depuis 2022, nous devenons une entreprise profitable et nous redoublons d’efforts pour assurer la croissance de l’entreprise. 

189 millions de transactions pour un volume de transactions total de 2 730 millions d’euros. 

Nous avons lancé la version test de InTouch en 2015 et enregistré dès 2017 environ 5 millions de transactions. Mais le point de bascule a été l’avènement de la crise Covid. À l’annonce de l’adoption des mesures sanitaires, petites, moyennes et grandes entreprises ont voulu numériser leurs moyens de paiement. Depuis, la tendance n’a fait que s’accélérer. En 2024, nous avons enregistré 189 millions de transactions pour un volume de transactions total de 2 730 millions d’euros. 

Actuellement, InTouch est présent dans 16 pays et a pour ambition d’en couvrir 25 d’ici 2025. Nous prenons en charge près de 300 moyens de paiements différents et avons 48 000 TouchPoint répartis dans nos pays d’implantation.

 

Entreprenante Afrique : Comment expliquez-vous cette ascension fulgurante ?

Omar Cissé : Au-delà des facteurs externes  comme le Covid et le développement technologique, le facteur humain y est pour beaucoup. Nous misons énormément sur cet aspect de notre entreprise. Nous avons commencé l’aventure avec 4 personnes en 2015. Aujourd’hui nous sommes 400 professionnels : des développeurs, des commerciaux et énormément de profils différents, répartis dans chaque pays d’implantation de InTouch et structurés autours de hubs (la Côte d’Ivoire pour l’Afrique de l’Ouest, le Kenya pour l’Afrique de l’Est, le Cameroun pour l’Afrique Centrale et l’Égypte pour l’Afrique du Nord) pour apporter une expérience sur-mesure et beaucoup plus de proximité avec nos clients. 

Le deuxième facteur, ce sont nos actionnaires et partenaires stratégiques : le groupe TotalEnergies, la CFAO, ou encore Worldline qui a largement contribué à notre succès grâce au transfert de technologie.

Une solution de gestion d’un volume exponentiel de petites transactions faites sur énormément de supports différents

Le troisième, ce sont les moyens financiers. Depuis notre lancement, nous avons réalisé des levées de fonds successives, de 7 à 9 millions d’euros tous les deux ans. La fintech est l’un des segments les plus attractifs en matière d’investissement dans le paysage technologique africain

Et le dernier point qui explique notre essor est la confiance que nous avons su générer tout au long du parcours auprès de nos clients et de nos financeurs depuis le lancement de InTouch. 

La particularité de InTouch se retrouve dans le fait que nous offrons à nos clients, quel que soit leurs stades de développement (Start-Up, PME et grandes entreprises), une solution de gestion d’un volume exponentiel de petites transactions faites sur énormément de supports différents, le tout sur une seule et même plateforme, ce qui facilite le suivi et le reporting des opérations financières.

 

Entreprenante Afrique : Dans quel mesure la FinTech, et en particulier InTouch, modifie le paysage économique africain ? Êtes-vous en concurrence avec le secteur financier traditionnel ?

Omar Cissé : Nous ne sommes absolument pas en concurrence avec les banques ni les institutions de microfinance. Nous nous positionnons en tant que partenaire technique en digitalisant les relations financières. Sur d’autres aspects, InTouch vient combler le vide laissé par le retard de déploiement du secteur bancaire en proposant par exemple l’opportunité aux petits commerçants d’accéder à des nano-crédits sur une plateforme dédiée à des taux très accessibles. Il s’agit encore d’un projet pilote mais là encore, ce sont nos partenariats avec les IMF qui rendent ces opérations possibles, InTouch n’étant pas une institution financière à proprement parler. 

L’essor de la FinTech porte dans son sillage une promesse d’inclusion financière au plus grand nombre

Les petits commerçants et petites entreprises sont notre première cible depuis le début. Nous comptons parmi nos clients 16 000 petits commerçants au Sénégal et 34 000 sur le reste du portefeuille. 

Avant InTouch, j’ai accompagné beaucoup d’entreprises, que cela soit à travers CTIC Dakar ou Teranga Capital. Et par expérience, je peux dire que la gestion des paiements constitue un maillon faible pour l’entrepreneuriat, encore plus en Afrique. Que ces entreprises puissent collecter tous les moyens de paiement, change vraiment la donne pour elles. Nous parlons de gestions de paiements sécurisées, une facturation précise, un système de suivi et d’enregistrement offrant un gain de productivité important, et par conséquent une lecture et une analyse financière beaucoup plus évidentes pour les entrepreneurs. 

Plus largement, l’essor de la FinTech porte dans son sillage une promesse d’inclusion financière au plus grand nombre, la démocratisation des services financiers de base : services bancaires, systèmes de paiement, crédits, épargnes, assurances etc…

 


 

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Les universités africaines ferment-elles leurs portes aux femmes ?

Abidjan, début des années 60, la jeune Dicoh Mariam Konan entame des études de chimie au Lycée Technique. Elle deviendra la première femme chimiste de Côte d’Ivoire. Son portrait sur…

Abidjan, début des années 60, la jeune Dicoh Mariam Konan entame des études de chimie au Lycée Technique. Elle deviendra la première femme chimiste de Côte d’Ivoire. Son portrait sur les pièces de 25fcfa, encore en circulation aujourd’hui, illustre l’impact de son parcours. Il symbolise une Afrique de l’Ouest en progrès, avec des femmes instruites, alors que la période des indépendances bat son plein. 60 ans après, ce progrès est au ralenti, seul 8% de femmes ivoiriennes poursuivent des études secondaires. Un chiffre qui s’applique au reste des pays de l’Afrique subsaharienne. Comment expliquer cela ? 

Au cours des années, les femmes subsahariennes ont trouvé sur leur chemin de nombreux obstacles socio-économiques s’opposant à la poursuite d’études supérieures. Notamment, les stéréotypes liés au genre et à la place des femmes dans la société, la préférence marquée pour l’éducation des garçons et la pauvreté. En effet, le coût de l’enseignement supérieur pèse généralement plus sur les ménages pauvres que les ménages riches.

Pourtant, les études le prouvent les femmes ont un rôle primordial dans l’économie du continent. Selon l’UNESCO, les répercussions de l’éducation des filles sur la croissance économique nationale sont indéniables : une augmentation d’un point de pourcentage de l’instruction des filles entraîne un accroissement du produit intérieur brut (PIB) moyen de 0,3 point et un relèvement du taux de croissance annuel du[1] PIB de 0,2 point.

Ces données soulèvent plusieurs questions :

  • Quels sont les mécanismes à mettre en place pour assurer un accès durable à l’éducation supérieure pour les jeunes  filles ? 
  • Comment influer sur des pratiques sociétales ancrées  ? 

Retour sur 3 mécanismes mis en place par I&P Education et Emploi, visant à augmenter le nombre de jeunes filles inscrites dans les établissements d’enseignement supérieur pour leur permettre de trouver leur place sur le marché du travail.

Dépasser la barrière socio-économique

A l’ISM Ziguinchor, 11h, Elise, originaire de la région de Sédhiou au Sénégal, suit un cours de management. Après avoir interrompu sa scolarité suite à une grossesse, elle a bénéficié d’une bourse d’excellence de l’ISM Ziguinchor. Première institution d’enseignement supérieur de la capitale casamançaise, l’établissement est un bel exemple de parité, en effet, les jeunes filles représentent 55% des effectifs.

La politique est claire : « Lors de l’attribution des bourses, 60% de filles et 40% de garçons. A compétence égale le choix se porte sur la fille. », affirme Georges Bernard Ndèye, directeur de l’établissement. Lorsqu’on lui demande pourquoi les filles, la réponse est simple : « Le désir de sortir les filles de leur situation de vulnérabilité ».

L’enseignement supérieur a un coût supplémentaire pour les familles habitant les zones rurales ou sans université qui doivent se tourner vers des capitales ou les villes secondaires.  Pour les familles cela signifie des frais additionnels tels que le transport, l’hébergement, ou encore l’alimentation[2]. Au Ghana, par exemple, chez les ménages les plus défavorisés, l’envoi d’un jeune dans un établissement d’enseignement supérieur augmente de 37 % leurs dépenses non alimentaires[3], un sacrifice inenvisageable pour nombre d’entre eux.

L’envoi d’un jeune dans un établissement d’enseignement supérieur augmente de 37 % les dépenses non alimentaires d’un ménage pauvre au Ghana

Les étudiants et leurs familles analysent les avantages d’une formation supérieure, face aux revenus si le jeune travaillait juste après le lycée. Pour Priska Manga, Docteure à l’Université Cheikh Anta Diop, le premier obstacle des filles est la famille. Des normes sociales (rôle des hommes et des femmes dans la famille, mariage, maternités etc.) entrent également dans la balance. Un proverbe wolof dit “ Diangou Djiguène amoul ndieurigne”, les études d’une femme n’ont pas d’utilité. Investir dans l’éducation supérieure des jeunes filles, peut-être perçu comme une perte de temps et d’investissement pour les familles les plus vulnérables.

Le niveau d’éducation des parents est un facteur essentiel à la prise de décision. Lorsque le chef de famille a achevé le secondaire, les enfants ont 10 fois plus de chances poursuivre des études supérieures qu’un enfant au sein d’un ménage dont le niveau scolaire du chef de famille est inférieur. Ainsi, convaincre les familles vulnérables de l’importance des études supérieures des jeunes filles est nécessaire. Mais il est indispensable de coupler ce changement sociétal à des mécanismes de soutien financier. L’octroi d’une bourse peut conditionner la poursuite des études supérieures pour une jeune fille de milieu défavorisé.

Des infrastructures de proximité et adaptées

En 2016, l’ISM Ziguinchor souhaitant répondre aux problématiques d’hébergement de ses étudiants, a décidé d’ouvrir une antenne à Kolda, ville située à 500km de Dakar. A la rentrée scolaire, l’administration s’est aperçue que les effectifs étaient en majorité composés de filles mariées, dont les familles ne voulaient pas qu’elles s’éloignent pour leurs études. Les familles souhaitent garder leurs filles au sein d’un cercle familial, pour les protéger, mais aussi éviter tout incident qui mettrait à mal leurs réputations (grossesses indésirées, etc.). Rapprocher l’établissement des étudiantes dans les régions rurales permet d’augmenter leur accès à une éducation supérieure de qualité, lorsque les normes sociales les empêchent d’aller seules en ville. Pour les étudiantes mères, la mise à disposition de crèche sur le lieu d’apprentissage favorise le maintien dans les études. Pour aider les apprenantes à se concentrer sur leur formation, l’UNICEF a mis en place un système de garderie dans le cadre du projet “Girl Power” en Côte d’Ivoire. Le projet vise à renforcer les compétences entrepreneuriales des jeunes filles des banlieues[4].

  • Les dortoirs : lorsque l’école devient la maison

Les familles ont également recours à des systèmes de tutorat. L’étudiant (fille comme garçon) est placé sous l’autorité d’un tuteur, généralement une connaissance familiale. Le cas échéant, ou lorsqu’il y a des difficultés qui se présentent au sein de la famille d’accueil, les filles abandonnent leur scolarité.  Une autre solution est de faire de l’école le lieu de vie.  La construction de dortoirs dans les établissements permet aux familles de trouver une solution fiable à la question de l’éloignement du lieu d’apprentissage. Cette solution en cours d’expérimentation dans les Etablissements ESSECT Poincaré. Située dans la ville de Bouaké en Côte d’Ivoire, l’école accueille les élèves de toute la région -essentiellement agricole- et au-delà.

  • L’importance de structures sanitaires décentes et adaptées

En plus d’avoir des toilettes décentes, il s’agit également d’équipements adaptés à la physiologie féminine et disponibles dans les sanitaires.

Une fois poussées les portes de l’établissement, les étudiantes y passent une grande partie de leurs journées. En plus de la disponibilité d’infrastructures, il est important qu’elles s’y sentent à l’aise. A la fois privées et publiques, les toilettes sont des lieux qui doivent répondre aux exigences de sécurité, d’hygiène et d’intimité[5]. Mr Ndèye considère depuis son entrée dans le programme IP2E que des sanitaires décents sont des fondamentaux pour l’épanouissement des jeunes filles.  Pendant leurs règles, les filles ont davantage besoin d’avoir accès à des toilettes disposant d’eau, de savon et de poubelles où elles pourront disposer de leurs protections hygiéniques[6]. La mise à disposition de ces protections est également nécessaire. En plus d’avoir des toilettes décentes, il s’agit également d’équipements adaptés et disponibles dans ces espaces. Lorsqu’elles sont interrogées, les filles expriment un intérêt pour les toilettes séparées. Elles mettent souvent en avant les critères d’hygiène et la volonté d’intimité et de sécurité.

  • Assurer la protection et le bien-être des étudiants

Mettre en place un environnement d’apprentissage sûr va au-delà des infrastructures. Les violences sexistes et sexuelles touchent davantage les filles que les garçons. Elles sont présentes durant les études supérieures, mais non dénoncées. Il peut s’agir de cas de harcèlement entre étudiants, ou entre professeurs et étudiants, comme des cas d’échanges de bonnes notes ou d’offres d’emploi contre des faveurs sexuels[7]. Au sein du programme IP2E, toutes les entreprises soutenues élaborent une politique de « sauvegarde des étudiants ». Cette politique vise à prévenir et répondre à différents types d’incidents (violences sexuelles, sécurité physique, etc.) et renforcer la sensibilisation des étudiants et du personnel sur ces sujets. Les établissements développent des mécanismes de remontée et de traitement des plaintes. Ils permettent particulièrement d’installer un climat de confiance, et d’améliorer l’expérience d’apprentissage des jeunes filles.

Des rôles modèles pour inspirer

A l’Institut Ivoirien de Technologie (IIT), en même temps que les cours de business ou d’informatique, les étudiants reçoivent des cours de leadership et de développement personnel. Prisca et Grâce, deux étudiantes en deuxième année expliquent que ces cours aident « à se connaître soi-même, trouver ses forces pour vaincre leurs faiblesses ». Elles discutent souvent l’épanouissement des jeunes filles avec leurs camarades garçons. Pour Grâce, une des raisons de la non-poursuite des études supérieures est le manque de confiance des filles en elle. Ce manque de confiance naît de la « faible estime » que l’entourage accorde à l’éducation des jeunes femmes.

Les stéréotypes de genre se retrouvent aussi dans l’orientation. Les filières dites porteuses, telles que les filières scientifiques sont souvent attribuées aux garçons. Fabricia Devignes, experte genre à l’Institut international de planification de l’éducation de l’Unesco explique que « la représentation des femmes a un impact sur l‘éducation des filles et les résultats d’apprentissage ».

Dans les entreprises du programme I&P éducation et Emploi, un établissement fait la différence dans les sciences : l’Université des Sciences de la Santé de Dakar (USSD). Le Conseil d’Administration de l’USSD est présidé par une femme. Dans l’université, 60% des étudiants sont des jeunes femmes. Interrogées, les étudiantes expliquent qu’elles viennent pour la plupart des familles où les parents exercent déjà des métiers dans le secteur de la santé. Pour renforcer la détermination de ces futures docteures, l’USSD met aussi en place un programme de leadership féminin. Il s’agit de séances de mentorat durant lesquelles des femmes dans le secteur de la santé animeront des sessions d’échange avec les étudiantes. Pour le professeur Ndir, c’est en prenant l’exemple sur des rôles modèles féminins qu’il y aura « des femmes leaders » dans le domaine.

Faire évoluer les mentalités

A Tamale dans le nord du Ghana, l’entreprise éducative Openlabs rapproche les rôles modèles des communautés locales pour faire évoluer les mentalités. Afin de former les jeunes filles à l’informatique, Prince Charles, responsable du campus et son équipe mènent des actions de sensibilisation auprès des filles dès le primaire, des familles, des associations de femmes et des chefs religieux. Pour faciliter l’échange, certains membres de l’équipe proviennent des communautés ciblées.  Zeinab, étudiante issue de la communauté Choggu prend la parole. Elle explique qu’il est possible d’être une jeune femme, d’appartenir à la communauté et de poursuivre les études supérieures. Prince Charles poursuit en expliquant les avantages financiers que l’éducation des jeunes femmes aura sur ces communautés. Il précise également les bourses et réduction qu’Openlabs offrent aux jeunes filles.

Depuis quelques années, l’écart historique d’accès à l’éducation secondaire entre filles et garçons sur le continent africain s’est considérablement réduit jusqu’à s’inverser grâce aux efforts des gouvernements (Au Sénégal, en 2021 : 52% de filles contre 48% de garçons). Cette quasi-parité a mis en lumière une inégalité non-genrée, mais plutôt une forte disparité selon l’origine sociale et géographique des futurs étudiants, et explique en partie le faible taux de poursuite des études supérieures. Bien que peu de filles et de garçons poursuivent des études supérieures en Afrique subsaharienne, les jeunes filles défavorisées ou vivant en milieu rural se retrouvent au bas de la pyramide de l’accès à l’université.

Garantir un accès durable à l’éducation pour les jeunes filles vulnérables nécessite de fournir des mécanismes de financement de l’enseignement supérieur. Pour les jeunes filles en milieu rural, la multiplication des offres de formation supérieur de proximité représentent aussi un levier à mettre en œuvre. Les établissements doivent être des endroits sûrs, dans lesquels le bien-être, la sécurité et la santé des étudiants seront préservés. Enfin, il est nécessaire de faire évoluer les mentalités, notamment sur la place des filles dans les filières scientifiques pour faire participer pleinement les femmes au développement du continent.

« L’émancipation des femmes passe par l’éducation. Si on arrive à avoir plus de femmes éduquées, on aura des leaders femmes partout »

 D’après la docteure Priska Manga, « L’émancipation des femmes passe par l’éducation. Si on arrive à avoir plus de femmes éduquées, on aura des leaders femmes partout ». Les jeunes filles défavorisées ont besoin d’un accès continu à une éducation de qualité, afin de devenir autonomes, et d’être actrices du développement de leur région[8]. Des études supérieures de qualité développent et renforcent les compétences requises pour s’insérer dans un marché du travail très concurrentiel, et leur permet de prétendre à des revenus décents, suffisants et égalitaires pour améliorer leur qualité de vie.


[1] https://www.globalpartnership.org/fr/blog/leducation-des-filles-releve-du-bon-sens-economique

[2] Darvas, Peter, Shang Gao, Yijun Shen et Bilal Bawany. 2017. Enseignement supérieur et équité en Afrique subsaharienne : Élargir l’opportunité au-delà de l’élite. Directions du développement. Washington, DC : Banque mondiale. doi:10.1596/978-1-4648-1266-8.

[3]Darvas & all

[4] UNICEF. Projet Girl Power. 2020. https://team.unicef.fr/projects/unicef-projet-girl-power

[5] Marion Simon-Rainaud. 2021. Mélanger les filles et les garçons a facilité l’accès aux toilettes », 7 mars 2021 ? https://usbeketrica.com/fr/melanger-les-filles-et-les-garcons-a-facilite-l-acces-aux-toilettes

[6] GPE. 2018. Comment les toilettes peuvent-elles contribuer à promouvoir l’éducation.

[7] BBC News Africa. 2019. ‘Sex for geades’: Undercover in West African universities. https://www.bbc.com/news/av/world-africa-49907376

[8] C. Manse. 2020. Education des filles, émancipation des femmes. https://www.entreprenanteafrique.com/education-des-filles-emancipation-des-femmes/

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Entrepreneuriat au Sénégal : plus de guépards que de gazelles

La promotion de l’emploi est l’une des priorités du continent africain pour les années à venir. Selon la Banque Africaine de Développement, seulement 3 millions d’emplois formels sont créés chaque…

La promotion de l’emploi est l’une des priorités du continent africain pour les années à venir. Selon la Banque Africaine de Développement, seulement 3 millions d’emplois formels sont créés chaque année en Afrique, alors que 10 à 12 millions de jeunes entrent sur le marché du travail chaque année.

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Promouvoir l’entrepreneuriat féminin en Afrique : défis et vecteurs de changement

Poursuivons sur la thématique de l’entrepreneuriat africain féminin, avec trois témoignages éclairants de femmes grandement impliquées sur ces enjeux : Ninon Duval-Farré, directrice de l’incubateur Bond’Innov, Ambre Delpierre et Lucie Paret,…

Poursuivons sur la thématique de l’entrepreneuriat africain féminin, avec trois témoignages éclairants de femmes grandement impliquées sur ces enjeux : Ninon Duval-Farré, directrice de l’incubateur Bond’Innov, Ambre Delpierre et Lucie Paret, co-fondatrices de Sahelia, et Lamba Ka, chargée de l’accompagnement des entrepreneurs chez MakeSense West Africa.

 

Ninon Duval-Farré

© Bond’Innov

 

Ninon Duval-Farré est depuis 2011 directrice de l’incubateur Bond’Innov. Hébergé par le centre IRD France-Nord, Bond’Innov encourage tout particulièrement les projets qui s’adressent aux marchés du Sud et aux pays en développement. Elle était auparavant consultante indépendante dans le management de l’innovation (de 2004 à 2011), et a en particulier lancé et animé le programme Paris Mentor jusqu’à fin 2011. Elle a participé à la création et au développement de start-up avec Vegetal Fabric, nominé au grand prix de l’innovation de Paris en 2011, et alafolie.com, site ayant connu un beau succès.

“L’Afrique est le continent où il y a le plus de femmes entrepreneures… mais souvent plus par nécessité économique que par choix véritable. Les femmes sont souvent le maillon qui tend vers l’éducation, la santé de la famille etc. elles sont au cœur des questions de développement.”

Des défis spécifiques aux femmes entrepreneures, en Afrique comme ailleurs

“D’une certaine manière, les femmes entrepreneures en Afrique rencontrent les mêmes difficultés que l’on peut imaginer ailleurs dans leur parcours entrepreneurial, notamment en France. Sans aborder les aspects culturels ou religieux, on a tendance à moins développer leur leadership (comparativement aux hommes) et elles peuvent se montrer plus timides, avec des répercussions tangibles dans les activités (sous-estimation des besoins financiers alors que les hommes ont tendance à les surestimer, ce qui peut être à leur avantage). C’est un phénomène social mondial, où les femmes se mettent des freins.

Dans notre secteur, à savoir l’entrepreneuriat de type start-up innovantes, à ambitions, à forts potentiels, on remarque qu’il y a une façon plus timide d’aborder le business qui freine un peu les ambitions des entrepreneures. On remarque d’ailleurs qu’elles sont bien moins nombreuses que les hommes dans ce domaine.”

Comment changer les choses ?

Pour des structures de soutien comme les nôtres, il est important de développer des modules soft skills (leadership) et notamment les programmes de mentorat au féminin. Car c’est en voyant des femmes qui osent que l’on ose oser, cela désinhibe.

Je me réjouis aussi de voir qu’il y a de moins en moins de programmes ou d’accompagnements exclusifs au féminin mais qui intègrent pleinement la mixité. C’est très nouveau et ça va dans le bon sens.

 

Ambre Delpierre & Lucie Paret, Sahelia

© Sahelia

Après avoir fait le constat d’un écosystème détruit par une agriculture intensive, Ambre Delpierre et Lucie Paret fondent Sahelia pour soutenir les efforts de producteurs responsables et les aider à commercialiser leurs produits vers les marchés européens. L’entreprise est spécialisée dans le commerce éthique de fruits et plantes biologiques en provenance d’Afrique de l’Ouest. Toutes deux reviennent sur leur expérience, en tant que femmes entrepreneures et en tant que partenaires de nombreuses femmes africaines travaillant dans la production agricole.

“Dans l’ensemble il nous semble moins difficile pour une femme d’entreprendre en Afrique. En tout cas beaucoup de femmes entreprennent! Nous n’avons jamais eu l’impression d’être dévalorisées. Au contraire être une femme est parfois un avantage, notamment avec certains de nos clients, qui nous font facilement confiance sur le respect de nos valeurs et notre engagement éthique”

 “Les femmes africaines sont des vraies working girl dans l’âme ! Elles sont très volontaires, et gèrent absolument tout, de la maison au business. A nos yeux ce qui leur manque ce sont des outils et des bases utiles pour structurer leurs projets et donner de la valeur ajoutée à ce qu’elles font déjà. Elles sont peut-être plus durement impactées que les hommes par le manque d’accès aux financements, au conseil, et aux compétences appropriées”

“Ce qui manque aux femmes entrepreneures: des outils et des bases utiles pour structurer leurs projets et donner de la valeur ajoutée à ce qu’elles font déjà.”

 

Lamba Ka

© Le Monde Afrique

Communicante passionnée, Lamba Ka est spécialisée dans les domaines de la communication et de l’entrepreneuriat social. Elle est actuellement chef de projet, chargée de l’accompagnement des entrepreneurs chez MakeSense West Africa et et Chargée de projet AFIDBA au Sénégal. Jusqu’en 2014, elle travaille avec plusieurs agences de communication au Sénégal ainsi qu’au sein de certains médias en tant que journaliste. Très préoccupée par l’éradication de la corruption en Afrique, particulièrement au Sénégal, Lamba co-fonde en 2016 SENEGEL (Senegalese Next Generation of Leaders), une plate-forme ayant pour objectif de promouvoir la transparence et de lutter contre la corruption au Sénégal, et participe en janvier 2018 à une formation sur la lutte contre la corruption dans la région du Sahel dispensée par le bureau de l’UNITAR à Hiroshima. Lamba obtient en 2017 la bourse Mandela Washigton et étudie le business et l’entrepreneuriat à l’Université de Notre Dame durant 6 semaines.

“Les femmes sont connues comme étant beaucoup plus entreprenantes que les hommes en Afrique. Le Sénégal n’est pas en reste, loin de là, et compte plus de femmes entrepreneures que d’hommes.

Mais ces femmes entrepreneures font face à plusieurs défis, qui me semblent spécifiques :

Familial tout d’abord, car la balance entre vie professionnelle et vie de famille est difficile à trouver. Il est compliqué de gérer à la fois une famille et une entreprise, surtout avec la pression culturelle et sociale.

La formalisation est un second enjeu de taille. Beaucoup de femmes gèrent un business, mais informel la plupart du temps. La formalisation est pourtant essentielle pour accéder aux financements et changer d’échelle

Enfin il y a la gestion de la peur. Certaines femmes ont peur de se lancer face à une concurrence très rude… et le temps peut leur manquer pour concurrencer la concurrence !”

 

Comment changer les choses?

“Pour renforcer l’entrepreneuriat féminin, il faudra créer des incubateurs dédiés aux femmes et multiplier les podiums de partages entre femmes pour se renforcer mutuellement.”

 

Aller plus loin…

 

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Parcours d’entrepreneures africaines (2/2): Sylvie Sagbo et Sokhna Ndiaye

Poursuivons, en cette Journée Internationale des Droits des Femmes, notre exploration de parcours entrepreneuriaux féminins inspirants et riches en expérience. Dans cette seconde partie, nous avons interviewé deux femmes entrepreneures…

Poursuivons, en cette Journée Internationale des Droits des Femmes, notre exploration de parcours entrepreneuriaux féminins inspirants et riches en expérience. Dans cette seconde partie, nous avons interviewé deux femmes entrepreneures sénégalaises: Sylvie Sagbo, qui après plusieurs expériences à l’international a repris l’entreprise sénégalaise fondée par sa mère, et Sokhna Ndiaye, engagée dans plusieurs associations et entreprises opérant dans le domaine de la santé.

Retrouvez la partie 1 ici →

 

Sylvie Sagbo

 

Sylvie Sagbo dirige depuis 2015 SENAR Les Délices de Lysa, une PME sénégalaise qui transformes les arachides et noix de cajou. Titulaire d’un master en finance et gestion des marchés obtenu à l’Ecole de Gestion de Paris, elle a travaillé pendant 18 ans dans la finance de marchés (asset management, gestion de portefeuilles dans les banques, etc.). Elle est ensuite passée à mon compte pendant une dizaine d’années, et a également ouvert un restaurant de cuisine africaine en région parisienne. Elle est finalement rentrée sur Dakar, pour rejoindre l’entreprise fondée par ma mère en 1982, à une période où cette dernière souhaitait se retirer progressivement de la société.

 

Pourquoi avoir décidé d’entreprendre ?

Je pense que j’ai toujours porté cette fibre entrepreneuriale, et cela transparaît à travers mon parcours : quand je travaillais en tant que consultante à mon compte, quand j’ai lancé avec mon mari le restaurant de cuisine africaine, et bien sûr quand j’ai repris SENAR, l’entreprise fondée par ma mère. J’ai grandi avec cette entreprise, et je m’en suis toujours occupée, même en étant loin. Cela donc été naturel de reprendre la structure, et c’était très motivant car je savais qu’on pouvait en faire une très belle entreprise.

Avez-vous connu des difficultés du fait que vous soyez une femme ?

Il est possible que mon dossier de financement ait été refusé par leur passé parce que j’étais une femme, mais cela ne m’a jamais été montré ni dit clairement. J’ai travaillé avec deux directeurs commerciaux qui n’ont jamais accepté que je leur dise quoi faire et cela je pense est lié au côté ‘’macho’’ qu’il peut y avoir ici en Afrique.

Qui sont vos modèles, vos figures d’inspiration ?

Je pense tout de suite à ma mère. Quel parcours ! Elle a commencé au bas de la porte et a finalement créé l’une des plus grandes sociétés qui vend des noix de cajou ici au Sénégal. Autrement je n’ai pas vraiment de nom en tête, mais en tout cas, dès que je vois une femme qui réussit et qui s’en sort, qui arrive à entreprendre, à faire de belles choses, c’est quelque part un modèle pour moi.

Comment vous voyez vous dans dix ans ?

Dans dix ans je me vois à la tête d’une grande entreprise africaine sénégalaise, leader dans la distribution de noix de cajou en Afrique et dans le monde. Je pense que nous sommes sur la bonne voie car on a des produits de très bonne qualité et sains. Je travaille le beurre de cajou. J’ai créé une pâte à tartiner qui s’appelle le Cajoutella, qui n’a rien à envier à son voisin lointain (rires) !  Et j’ai beaucoup d’autres idées de produits pour mon entreprise !

Un conseil aux (futures) femmes entrepreneures ?

Je pense qu’il faut d’abord se battre. Dans tous les cas un entrepreneur doit se battre, mais une femme entrepreneure doit se battre deux fois plus parce que c’est une femme et on doit gérer la famille et le boulot. Quand on veut entreprendre, on ne doit pas entreprendre sur une idée juste comme cela : il faut peaufiner son idée, faire une étude de marché, même minime, pour faire son business modèle. Pourquoi je veux le faire ? Quelle est ma cible ? Quel chiffre d’affaires je souhaite faire ? Vraiment faire une analyse avant de se lancer. Et puis une fois cela fini, entreprendre avec les tripes. Il faut être passionnée ! Sans passion, on ne peut pas entreprendre. Donc une femme, si elle entreprend avec ses tripes, avec son ventre, il n’y a pas de raison pour qu’elle n’y arrive pas. Par contre, il faut beaucoup de courage, parce que ce n’est pas une vie simple, il y a des hauts et des bas, comme partout, mais ce n’est pas simple, surtout en Afrique. Il y a beaucoup de femmes entrepreneures aujourd’hui, et il y en aura beaucoup plus encore… des modèles à suivre vont émerger !

 

Retrouvez en vidéo l’interview réalisée par SENAR à l’occasion du 8 mars!

 

 

Sokhna Diagne Ndiaye

 

Quelques mots sur votre parcours ?

Je suis Sokhna Ndiaye, pharmacienne de fonction et titulaire d’une officine à Dakar au Sénégal et présidente du Conseil d’Administration de la société Duopharm. Nous avons été accompagnés entre 2010 et 2017 par Investisseurs & Partenaires, et cela s’est très bien passé. Je suis aussi Présidente du Conseil d’Administration de l’Université des Sciences de la Santé, qui forme des pharmaciens, des médecins et des chirurgiens-dentistes. Je suis par ailleurs membre de plusieurs fondations : Vice-Présidente de la Ligue Sénégalaise contre le Cancer, Présidente de la commission des diplômés de la fondation de l’université Cheick Antia Diop, représentante au Sénégal du Monaco Collectif humanitaire où je représente la Croix Rouge monégasque et l’association Rencontres Africaines. J’ai aussi d’autres activités sociales dans l’éducation…

Comment arrivez-vous à concilier votre vie personnelle et votre vie professionnelle ?

Très bonne question. C’est juste une question d’organisation. Dans mon officine, il y a 25 personnes : ce n’est pas facile à manager mais nous avons une organisation cohérente. Chacune et chacun a une mission propre. Au sein de Duopharm, en tant que Présidente du Conseil d’Administration, je suis très impliquée mais je ne suis pas dans l’exploitation directe, ce qui permet de libérer du temps et de me consacrer à d’autres activités sociales qui sont extrêmement importantes pour moi.

Être une femme, un atout ou une difficulté dans le milieu professionnel ?

Je pense que dans le domaine social, notamment quand je regarde mon expérience à la Ligue Sénégalaise contre le cancer, être une femme donne un peu plus de sensibilité à nos partenaires. Au Sénégal, les femmes occupent un rôle important. Il y a eu des avancées significatives.  Les femmes au Sénégal se sont pratiquement approprié le secteur social et je pense que le fait d’être une femme est un avantage pour coordonner ces activités et ces mouvements-là.

Un conseil aux (futures) femmes entrepreneures ?

Il faut que les femmes aient confiance en elles, le débat ne se pose pas. En Afrique, les femmes pourraient jouer un plus grand rôle économique. Les femmes n’ont pas un rôle de seconde zone. Je pense que c’est aux femmes de continuer à se battre, de montrer qu’à chaque fois qu’on leur confie une tâche ce qu’elles sont capables de faire. Les résultats sont tangibles à l’échelle mondiale me semble-t-il : à chaque fois que dans des domaines spécifiques, on confie la gestion à une femme, les résultats, les performances sont supérieures à celles des hommes. Une femme ne doit pas avoir peur du fait d’être femme. Une femme doit s’affirmer, se battre et une fois à leur poste, travailler et donner plus de résultats que les hommes. Donc les femmes: travaillez, travaillez bien!

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La Laiterie du Berger, le parcours d’une entreprise engagée au Sénégal

Jérémy Hajdenberg revient sur le parcours de l’entreprise sénégalaise La Laiterie du Berger et de son fondateur Bagoré-Xavier Bathily. Valoriser la production laitière locale, l’objectif principal poursuivi par La Laiterie…

Jérémy Hajdenberg revient sur le parcours de l’entreprise sénégalaise La Laiterie du Berger et de son fondateur Bagoré-Xavier Bathily. Valoriser la production laitière locale, l’objectif principal poursuivi par La Laiterie du Berger, s’est révélé un choix difficile dans le contexte sénégalais, mais l’entreprise a su s’adapter et évoluer, devenant un véritable porte-voix sur certains enjeux agro-industriels au Sénégal.

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