Penser et agir pour l’entrepreneuriat en Afrique

Mesurer l’impact des projets d’électrification décentralisée (2/4). Utilisation de la télédétection : premiers résultats sur l’impact des Cafés Lumière

Les évaluations courantes des projets d’électrification décentralisée ne permettent en général pas de prouver leurs impacts, et pour ce faire il faudrait mener des travaux couteux et longs à réaliser…

Les évaluations courantes des projets d’électrification décentralisée ne permettent en général pas de prouver leurs impacts, et pour ce faire il faudrait mener des travaux couteux et longs à réaliser car nécessitant des informations nombreuses et détaillées non seulement dans les localités équipées mais aussi dans des localités témoins. Pourtant des preuves d’impacts sont essentielles pour aider à la prise de décision des décideurs publics, nationaux mais aussi parfois internationaux, pour un passage à l’échelle de ces solutions.

Pour Entreprenante Afrique nous présentons en quatre articles les Cafés Lumière à Madagascar d’Electriciens sans frontières et comparons les résultats de différentes méthodes d’évaluation alternatives réalisées à des coûts abordables pour tester et évaluer l’existence d’impacts positifs du projet sur les objectifs de développement durable.  Dans ce deuxième volet, nous explorons la possibilité de tester la présence d’impacts à partir de données de télédétection, en général peu couteuses à mobiliser.

Contribution de la télédétection aux analyses d’impact

La télédétection repose sur l’imagerie satellitaire disponible à des degrés de granularité très fins sur la quasi-totalité du globe et accessible presque en temps réel et à faible coût pour un certain nombre de phénomènes terrestres mesurables et signifiants pour étudier les activités humaines. En ce qui concerne l’impact des projets d’électrification, la mesure par imagerie satellitaire de la luminosité nocturne peut être utilisée pour des études d’impact, dès lors que l’on a acquis une bonne expérience de l’interprétation de ces données. Il a été montré de manière répétée que l’augmentation de la luminosité nocturne est un bon corrélat des progrès de l’électrification au cours du temps, y compris à des niveaux fins de granularité (voir Berthélemy, 2022, dans The Conversation). Il est même considéré que l’augmentation de la luminosité nocturne est un reflet de la croissance de l’activité économique (Hu and Yao (2022).

Toutefois, les détracteurs de cette nouvelle approche utilisant l’observation de phénomènes naturels corrélés partiellement aux conséquences des activités humaines présente un risque de biais d’évaluation. Dans notre cas, la luminosité nocturne, par définition, mesure la lumière produite la nuit par de l’éclairage, notamment l’éclairage public, mais n’a pas de rapport direct avec la consommation totale d’électricité dont elle représente généralement une faible fraction, et encore moins avec ses effets sur le développement socio-économique.  Si l’éclairage public pourrait avoir un impact sur la sécurité, et donc aussi sur l’activité économique, il ne saurait refléter qu’une fraction des conséquences de l’électrification sur les activités humaines.

Application : les mini-réseaux des Cafés Lumière ont un impact significatif à partir de 2021

La luminosité nocturne permet une détection d’impacts de l’électrification pratiquement en temps réel. Pour illustrer ce propos nous avons calculé la luminosité nocturne moyenne annuelle pour les 6 localités équipées et pour 6 localités comparables mais non-équipées, choisies par Electriciens sans frontières par tirage au sort pour former un groupe traité et un groupe témoin.

Les données ont été analysées en prenant en compte les contraintes suivantes :

  • Les différentes localités n’ont pas été équipées en même temps ;
  • La mise en place des Cafés Lumière a été progressive avec l’installation en priorité de la boutique avant la mise en service du mini-réseau. La boutique présentant par construction peu d’effet d’émission de lumière, c’est en testant l’effet de la mise en route du mini-réseau que l’on peut tester en premier lieu l’impact des Cafés Lumière ;
  • L’éclairage public alimenté par le mini-réseau est en fonctionnement aux heures de passage du satellite (ente 0h et 2h du matin dans notre cas) dans seulement 2 localités : Ambatonikolahy et Talata Dondona.

Figure 1. Évaluation de la luminosité nocturne (moyennes annuelles 2013-2022) dans les localités équipées et non équipées (radiance mesurée en w/cm2_sr)

Figure 1. Évaluation de la luminosité nocturne (moyennes annuelles 2013-2022) dans les localités équipées et non équipées (radiance mesurée en w/cm2_sr)

La Figure 1 montre une évolution parallèle de la luminosité nocturne moyenne des 6 villages équipés et de celle des 6 villages témoins jusqu‘en 2020, le premier groupe présentant au contraire des performances meilleures en 2021 et 2022. L’écart est d’environ 10% par rapport aux données antérieures, ce qui n’est pas très élevé compte tenu du faible niveau initial mais est statistiquement très significatif. Notre conclusion de cette Figure 1 est confirmée par un test statistique formellement plus rigoureux, qui utilise les données mensuelles par localité, en contrôlant pour les effets de la saisonnalité et des effets fixes propres à chaque localité traitée ou non traitée.  La mise en route du mini-réseau conduit à une augmentation de la luminosité nocturne comparable à celle révélée par la Figure 1 et statistiquement très significative.

Les craintes d’un biais dû à la présence de l’éclairage public ne sont potentiellement justifiées que dans le cas de 2 localités sur 6 (Ambatonikolahy et Talata Dondonna). Ces craintes ne sont pas totalement justifiées.  En effet, quand on essaie de prendre en compte conjointement la présence du mini-réseau et celle de l’éclairage public, cette dernière n’a aucun effet significatif. De plus quand on estime le même modèle en excluant ces 2 localités, les résultats obtenus, s’agissant de la significativité de l’impact des mini-réseaux, ne changent pas.

L’éclairage public n’a pas d’effet significatif dans nos tests, mais cela veut dire seulement qu’on ne peut pas démontrer qu’il en a un, ce qui est peut être dû à une faible puissance des tests statistiques mis en œuvre. De plus le biais peut exister à Ambatonikolahy et à Talata Dondona.

Nous avons mobilisé les données de l’opérateur Anka, qui reporte mois par mois les différentes composantes de la consommation d’électricité, en séparant la consommation pour l’éclairage public des autres consommations d’électricité, sachant que l’éclairage public créé a priori beaucoup plus de radiance, et donc de luminosité nocturne, que les autres consommations d’électricité. Cette propriété est amplement vérifiée dans nos données, et cela nous permet de calculer un ordre de grandeur du biais contenu dans les données de pour évaluer l’accès à l’électricité en présence d’éclairage public en milieu de nuit. Pour Ambatonikolahy et Talata Dondona, ce biais est de l’ordre de 40% en année pleine (2022). Il est donc souhaitable, quand cela est possible, de mobiliser des données complémentaires pour évaluer les impacts des mini-réseaux, ce que nous ferons dans les prochaines livraisons de ce blog.

Découvrez aussi l’article Les Cafés Lumière de Madagascar, dans la même série “Mesurer l’impact des projets d’électrification décentralisée”.

 

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Résilience et adaptation en période d’insécurité : le renouveau du Mali passera par le secteur privé (2/2)

Les récentes crises et les vulnérabilités structurelles qui en découlent ont considérablement diminué la capacité des pays du Sahel, déjà historiquement très faible, à attirer l’investissement. À titre d’exemple, après…

Les récentes crises et les vulnérabilités structurelles qui en découlent ont considérablement diminué la capacité des pays du Sahel, déjà historiquement très faible, à attirer l’investissement. À titre d’exemple, après un record historique de 860 millions USD en 2019 (5% du PIB), les investissements étrangers directs vers le Mali (entrées nettes)  ont drastiquement chuté pour n’atteindre que 252 millions en 2022 (1,3% du PIB). 

Peu priorisé dans un contexte sécuritaire fragile, le développement du secteur privé joue pourtant un rôle central pendant et après les situations conflictuelles. L’expérience a démontré que le secteur privé demeure actif même en période de conflit et qu’il est capable de s’adapter pour surmonter les chocs systémiques.

Dans cet entretien, Mohamed Keita, entrepreneur malien, Directeur et Co-fondateur de Zira Capital, entreprise créée en 2022 et dédiée au financement et à l’accompagnement des start-ups et PME au Mali, partage son expérience de levée de fonds et plaide pour la nécessité de continuer de soutenir le secteur privé malgré un contexte sécuritaire et socio-politique difficile.

 

Entreprenante Afrique : Pouvez-vous faire un état des lieux de la situation entrepreneuriale au Mali ?

Mohamed Keita : Depuis une dizaine d’années, l’économie malienne a été impactée par les effets combinés de la crise sécuritaire et les crises politico-institutionnelles. Nous restons très attentifs face à l’évolution de la situation et notre souhait en tant qu’entrepreneur est bien sûr de retrouver rapidement un environnement des affaires stable.

Malgré ce contexte difficile, malgré les défis, nous observons que les entrepreneurs arrivent toujours à créer des opportunités localement. Ils développent des projets et des biens qui satisfont les besoins locaux. Ils créent et maintiennent des emplois qui font vivre des milliers de ménages et qui stimulent par la même d’autres aspects de l’activité économique. 

Les entreprises maliennes font preuve d’une résilience exceptionnelle mais ont besoin de partenaires stratégiques pour les accompagner,  ce sur le plan financier et extra financier. C’est la raison pour laquelle, avec d’autres acteurs (la BNDA, Investisseurs & Partenaires et un certain nombre de particuliers), nous avons entrepris de lancer le fonds Zira Capital. L’objectif est d’accompagner ces petites entreprises locales à travers des mécanismes de financement et des outils adaptés à leur projet de développement.

 

Lever un fonds pour soutenir l’entrepreneuriat dans un pays qui présente autant de risques n’est pas une mission évidente… Quel a été votre discours envers les financeurs ? 

M. K.: Le modèle de Zira Capital, fonds co-créé par ou avec des acteurs locaux pour financer des entreprises locales en capital, est un modèle qui a déjà été mis en place et commence à faire ses preuves dans d’autres pays africains, dans d’autres pays de la zone Sahel, notamment au Burkina Faso et au Niger. Par contre, c’est un dispositif inédit dans l’écosystème entrepreneurial malien. 

L’initiative a été bien accueillie, et a suscité de l’enthousiasme auprès des entrepreneurs maliens. Avant même la création officielle de la société de gestion, nous avions pu constituer un pipeline de projets de qualité. Nous avons constitué une base de donnée d’entreprises à fort potentiel dans des secteurs variés, des secteurs en lien avec les besoins fondamentaux de l’économie malienne : l’agroalimentaire qui participe à hauteur de 45% à la formation du PIB et occupe 80% de la population, mais aussi dans l’énergie, les services essentiels, la santé et l’éducation. 

Notre principal argument pour convaincre sur la nécessité de créer notre dispositif de financement a d’ailleurs été ce pipeline constitué d’entrepreneurs de qualité, ancrés dans le pays et dont les besoins ont été clairement identifiés.

Investir dans un pays comme le Mali implique bien évidemment de prendre un certain degré de risque. Mais des mécanismes peuvent être mis en place pour les limiter. Durant la levée de fonds, qui a durée plusieurs années, nous avons fait face à de nombreux défis. Nous avions identifié énormément de partenaires potentiels notamment certaines filiales de multinationales avec qui les discussions étaient arrivés à un stade avancé, mais dont les enthousiasmes se sont peu à peu calmés eu égard de l’évolution de la situation politique. Ce qui est compréhensible à partir du moment où un certain degré de sécurité de l’investissement ne peut plus être garanti. 

Mais fort heureusement pour nous, la grande majorité des investisseurs identifiés dès le début du projet ont maintenu leur confiance en nous et notre projet et nous ont accompagnés dans notre premier closing en 2022. 

“Investir dans un pays comme le Mali implique de prendre un certain degré de risque, mais des mécanismes peuvent être mis en place pour les limiter.”

 

Les pays du Sahel ont reçu une aide publique significative de la communauté internationale ces dernières années, pour un bilan mitigé. Faut-il repenser l’aide publique au développement au Mali ? Et en quoi l’investissement dans les PME représente  une alternative plus efficace/impactante ?

M.K. :  En 2021, le Mali a reçu 1.42 Milliard USD d’aide publique au développement. Ce qui représente une ressource importante pour le pays de manière générale. Je ne dirais pas que l’aide est inopportune, mais que ce dispositif doit être davantage fléché sur des acteurs terrain, notamment les entreprises privées. Certaines approches historiques de l’aide publique ont montré leurs limites. Et il s’agirait de déployer des mécanismes innovants et des moyens plus conséquents pour permettre aux institutions publiques de financement du secteur privé (DFIs) d’être plus présentes, plus rapides et plus performantes. 

Je fais partie de ceux qui sont convaincus que le développement de nos États, notamment des États fragiles comme le Mali, passera forcément par le développement d’un tissu de petites et moyennes entreprises. Et un moyen efficace de le faire serait de faire le pari de mettre davantage de ressources à la disposition de ces entreprises-là, surtout des ressources qu’elles ont du mal à mobiliser localement. 

“Je fais partie de ceux qui sont convaincus que le développement de nos États, passera par le développement d’un tissu de petites et moyennes entreprises. Les dispositifs d’aide publique au développement devraient être davantage fléchés sur ces PME.”

Ce qu’il faut noter, c’est que le tissu entrepreneurial malien est très vivant. Il y a une forte effervescence, il y a de plus en plus de personnes qui se lancent. Des personnes plutôt jeunes, qui apportent des solutions nouvelles, qui  développent des services de qualité, qui arrivent à lancer des projets. Ceci fait naître une note d’espoir dans le tableau général du pays qui est quand même assez compliqué, avec une crise sécuritaire et une instabilité politique qui perdurent depuis une dizaine d’années. Pour ma part, je fais partie de ceux qui font le pari que le renouveau du Mali viendra en grande partie du secteur privé.

 

Aller plus loin : dans la série “Résilience et Adaptation”, découvrez l’article de Maïmouna Baillet,“Le combat des entrepreneures nigériennes”.

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Résilience et adaptation en période d’insécurité : le combat des entrepreneures nigériennes (1/2)

La femme nigérienne a de tous temps brillé par sa résilience, par instinct de survie dans un environnement aride et hostile.  Si les écrits, dans une histoire africaine traditionnellement orale,…

La femme nigérienne a de tous temps brillé par sa résilience, par instinct de survie dans un environnement aride et hostile. 

Si les écrits, dans une histoire africaine traditionnellement orale, sont relativement récents, ils commencent dès la fin du 19e siècle à nous vanter le courage d’une reine guerrière, figure de la résistance face aux colons – Sarraounia Mangou. De 1960 à 1974, le Niger refait parler de lui à travers sa première « Première Dame », Mme Aïssa DIORI, qui charme, certes, par sa grande beauté, mais surtout par son charisme inégalé et son intelligence rare. Ainsi, « son prestige rayonne à travers le monde. Côtoyant les grands de ce monde (Elisabeth II, Haïlé Sélassié, Nasser, De Gaulle, Johnson…), Madame Diori impose respect et admiration. Aux côtés de son époux, elle entamera, sans bousculer, l’émancipation féminine par le travail et la rigueur, dans cette région afro-musulmane. » Elle a tant et si bien incarné la résilience. Tant dérangée, qu’elle a été personnellement visée et mortellement touchée lors du coup d’Etat de 1974.

En 1992, le Niger instaure, en plus du 8 mars qui est mondialement célébré, une journée de la femme nigérienne, afin d’honorer cette résilience. En effet, suite à la marche historique de 1991 des femmes pour réclamer une plus grande représentativité au sein de la commission préparatoire de la Conférence Nationale Souveraine, le 13 Mai symbolise désormais la journée de la femme nigérienne instituée par décret présidentiel.

 

Ceci étant dit, rappelons quelques aspects de cet environnement hostile. Bien que représentant 50,60% de la population, les femmes affichent le taux d’analphabétisme le plus élevé, atteignant 78%  (contre 60% pour les hommes) et sont également les plus pauvres. En effet, quatre pauvres sur cinq sont des femmes, coulant sous le poids des barrières socioculturelles et économiques telles que la dépendance matérielle, caractérisée par un faible pouvoir de décision, une pénibilité des travaux et un difficile accès aux services de base. Une dépendance financière se traduisant par une monétisation faible, un accès  laborieux aux connaissances, aux emplois et aux ressources productrices.

Le Niger détient deux tristes records, impactant tous les deux les femmes : le plus fort taux de fécondité au monde (6,2 enfants par femme en 2021 vs 7,6 en 2012) et le plus fort taux de mariages précoces : 77% de nos filles sont mariées avant 18 ans et 28% avant 15 ans. Et il ne s’agit là que des chiffres officiels… beaucoup pensent que la réalité est encore plus alarmante.

Dans ce contexte, les femmes ont très vite compris que la solidarité – qui rejoint le concept en vogue de sororité – était leur seule option et les entrepreneures ne font pas exception à cette tendance.

 

Culturellement, elles sont cantonnées à un type de métiers “acceptables” pour des femmes : la couture, l’esthétique, la transformation agro-alimentaire ou la commercialisation de fruits et légumes et la cuisine qui sont également des secteurs à faible marge, à faible revenu. Et avec de faibles barrières à l’entrée, la concurrence y est donc importante, et les activités y sont souvent informelles.

Dans les villes, elles dirigent ou s’investissent dans des TPE et des PME. Elles cumulent les initiatives et les emplois. Lorsqu’elles ont eu accès à une formation, elles conservent leur emploi salarié et développent leur TPE en parallèle. L’insécurité ne les affecte pas beaucoup, elles aménagent simplement leurs horaires et prennent des précautions pour éviter les zones dangereuses à la périphérie. 

Dans les zones rurales, elles exercent des activités génératrices de revenus. Dans les villages, les femmes s’occupent traditionnellement des cultures maraîchères, de l’élevage de volaille et de petits ruminants. Ces revenus leur permettent de contribuer à prendre en charge la famille. Avec l’insécurité, les pillages et les agressions ont privé nombre d’entre elles de revenus, entraînant une hausse des prix sur les marchés et une paupérisation de communes entières. La migration forcée, l’exode rural et les pertes des pères de famille et des fils au front, ont augmenté la vulnérabilité des femmes rurales et les violences basées sur le genre. 

Toutefois, depuis 1992, elles s’organisent en Union. Il s’agit d’une association ou structure de femmes qui ont décidé volontairement de se regrouper pour défendre des intérêts communs, mais surtout construire leur autonomisation financière à travers des tontines – le plus souvent 100% féminines. L’insécurité a renforcé davantage cette solidarité. 

Le système financier s’est également adapté et propose de plus en plus des produits à ces groupements, qui accèdent ainsi à l’épargne puis au crédit, et peuvent s’affranchir de la garantie ou de la caution qui leur était donnée par un homme. La dématérialisation des tontines traditionnelles permet également de lutter contre les pillages et de sécuriser les avoirs de ces unions de femmes. 

Rurales ou urbaines, les entrepreneures nigériennes s’organisent, construisent et poursuivent leur résilience. Des groupes dédiés aux entrepreneures se créent sur les réseaux sociaux, des associations professionnelles également, ainsi que des incubateurs exclusivement dédiés aux femmes. Une institution de microfinance, la MECREF, a fait le pari depuis plus de 20 ans de s’adresser à une clientèle constituée à 100% de femmes. En effet, au Niger comme dans le reste du monde, les études montrent que les entrepreneures sont de meilleures payeuses que les hommes. 

“Rurales ou urbaines, les entrepreneures nigériennes s’organisent, construisent et poursuivent leur résilience.”

 

Il n’en demeure pas moins que la situation reste critique dans de nombreuses régions. Depuis le début de l’année 2023, selon les chiffres officiels, environ 670.000 déplacés forcés ont été recensés au Niger, dont 52% sont des femmes.

Les femmes nigériennes auront un rôle de plus en plus important à jouer dans la reconstruction de la paix au Niger. Souvent, les familles de militaires se retrouvent seules avec des femmes à leurs têtes. Et comme ce que l’on a pu observer lors des grandes guerres mondiales en Europe, les femmes sont tout à fait capables de maintenant prendre la tête de ces familles là et de pouvoir avoir une activité économique génératrice de revenus qui va prendre en charge la famille. 

Leur résilience est encore mise à l’épreuve suite au Coup d’État du 26 juillet 2023. Les sanctions pèsent sur les ménages et sur les femmes en particulier, notamment la hausse des prix des denrées alimentaires. Les Nigériennes appellent davantage à la paix et au recours à une sortie de crise diplomatique mais se passionnent également pour cette page historique que le pays tout entier écrit désormais.

“Leur résilience est encore mise à l’épreuve suite au Coup d’État du 26 juillet 2023”

 

Ainsi, plus que jamais, l’autonomisation des femmes participe au développement économique et doit être une priorité. Cela a un impact plus important au niveau de la santé, au niveau de l’éducation et au niveau du développement économique en général. Et le fait qu’elles s’impliquent davantage et que nous puissions les accompagner davantage aura un impact sur la sécurité de manière transversale et de manière localisée.

Aller plus loin : dans la série “Résilience et Adaptation”, découvrez l’article de Mohamed Keita,”Le renouveau du Mali passera par le secteur privé“.

 

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Mesurer les impacts des projets d’électrification décentralisée (1/4). Les Cafés Lumière de Madagascar

L’électrification distribuée hors réseaux nationaux, par les mini-réseaux, terme générique utilisé ici indépendamment de leur taille (pico, micro, mini ou petits,) constitue la principale voie pour donner accès à l’électricité…

L’électrification distribuée hors réseaux nationaux, par les mini-réseaux, terme générique utilisé ici indépendamment de leur taille (pico, micro, mini ou petits,) constitue la principale voie pour donner accès à l’électricité à la population rurale africaine, et contribuer à l’atteinte de l’ODD7 (Objectif du Développement Durable n°7 : garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable). Pourtant le secteur des mini-réseaux progresse insuffisamment, les décideurs publics, nationaux mais aussi parfois internationaux, peinant à prendre la décision d’un passage à l’échelle par manque de preuves d’impacts de ce secteur ; ce que les économistes et les évaluateurs n’ont pas su fournir jusqu’à présent dans ce secteur.

Pour Entreprenante Afrique nous présentons en quatre articles le projet de mini-réseaux Cafés Lumière à Madagascar, les limites de son évaluation standard réalisée pour des besoins de redevabilité, qui ne permet pas d’apporter de véritables preuves d’impact et différentes voies alternatives pour tester et documenter les impacts socio-économiques du projet.

Les Cafés Lumière de Madagascar : une boutique, un lieu d’accueil et un mini-réseau

La solution Café Lumière, créée et développée à partir de 2019 par Électriciens sans frontières, propose dans six villages des régions du Vakinankaratra et de Itasy une boutique couplée à une centrale solaire photovoltaïque sécurisée par des batteries et un groupe électrogène.

Les Cafés Lumière ont pour particularité d’être à la fois un mini-réseau et une plateforme énergétique multiservice. C’est-à-dire que le Café Lumière, placé en général au centre du village, dispose d’une boutique qui offre des services tels que la charge de téléphones, de lampes tout en alimentant en électricité les autres besoins des populations. La plateforme multiservice propose ainsi des services énergétiques et un espace accueillant pour des activités productives souhaitant bénéficier d’électricité. Le mini-réseau propose l’alimentation en électricité depuis le Café Lumière grâce à des raccordements de proximité des ménages, des acteurs productifs, de l’éclairage public et des services collectifs. Une partie de la consommation d’électricité de ces derniers est prise en charge via une contribution perçue sur les ventes auprès des autres usagers, ménages et entreprises.

Quatre principes fondamentaux régissent l’installation de Cafés Lumière :

  1. La garantie de l’accès minimal à un service électrique pérenne à tous les membres d’une communauté rurale ;
  2. L’amélioration de la qualité des services collectifs (en particulier ceux dédiés à la santé et à l’éducation) en leur assurant durablement un accès minimal à l’électricité ;
  3. La contribution au développement des activités productives privées ;
  4. La contribution à un cadre politique et réglementaire permettant aux acteurs locaux d’être en capacité de gérer et d’entretenir de manière pérenne les installations et le service Café Lumière.

La solution repose sur un partenariat public privé entre le délégataire Anka, l’Agence de Développement de l’Électrification Rurale (ADER), les Structures Collectives de Gestion Mixte (SCGM) au niveau du village et le porteur de la solution, Electriciens sans frontières.

Le délégataire est en capacité d’intervenir au plus près des populations rurales isolées grâce à son implantation dans chaque village concerné, ce qui permet non seulement de faire remonter les informations pertinentes et d’agir sur place (exploitation et maintenance des installations, vente de services, etc.). De plus, un système de suivi à distance de la production d’énergie est déployé et permet de suivre l’activité des Cafés Lumière. Il est, pour ces différentes raisons, un producteur essentiel de données de suivi-évaluation du projet, en produisant des rapports d’activité mois par mois. Les données sont ainsi harmonisées et détaillées permettant d’étudier les impacts du projet.

Le projet a été principalement financé par l’Agence française de développement (AFD) dans le cadre de la Facilité d’innovation sectorielle pour les organisations non gouvernementales (FISONG) et sa réplication dans le cadre d’une Note d’Initiative ONG (NIONG).

Les Cafés Lumière proposent donc une solution suffisamment innovante, reposant sur un financement pluripartite et dont les objectifs sont en soutien aux ODD pour que la question de leur implémentation à plus grande échelle puisse être posée.

Évaluation standard à des fins de redevabilité

Les agences d’aide pratiquent une approche standard d’évaluation de la bonne utilisation des fonds et commandent un rapport à un cabinet indépendant au moment de la remise du projet. Ce rapport tient lieu d’évaluation finale du projet, dès lors qu’il permet de respecter les règles usuelles de redevabilité.

Cette évaluation donne des résultats projectifs et correspond davantage à des impacts attendus plutôt qu’observés. En effet, dans le cadre d’un projet d’infrastructure, l’évaluation est menée à une date proche de celle de la mise en marche programmée des équipements, ce qui est beaucoup trop tôt pour observer des impacts qui sont attendus à moyen ou long terme. Cette évaluation sert assurément des objectifs administratifs mais ne fait pas nécessairement avancer la connaissance sur l’impact des projets sur les objectifs de développement durable.

Dans le cadre des Cafés Lumière, cette première analyse réalisée pour l’AFD conclut à des impacts importants sur les conditions de vie des populations et notamment des femmes, sur l’amélioration de la qualité des services publics (éducation, accès aux centres de santé, sécurité publique). Les résultats obtenus des focus groups soulignent l’appui considérable de ce projet au dynamisme économique et au développement des activités génératrices de revenus. Ces résultats sont encourageants et donnent une première indication de la dynamique engagée par les Cafés Lumière. Toutefois l’évaluation, achevée en janvier 2021, est intervenue à un moment où les projets complets Cafés Lumière n’étaient pas tous finalisés : les plateformes multiservices étaient ouvertes pour les 6 Cafés mais seulement 3 mini-réseaux étaient opérationnels dont un seul opérationnel depuis plus d’un an. La base d’informations mobilisée était donc trop étroite tant du point de vue de sa temporalité que de sa couverture géographique, pour conduire à des conclusions robustes.

D’un point de vue méthodologique ces évaluations standard pêchent non seulement par l’inadéquation de leur temporalité, mais aussi par l’absence de contrefactuel. L’évaluation standard des Cafés Lumière menée pour l’AFD ne cherche pas à comparer les localités traitées avec d’autres localités comparables mais qui n’ont pas été traitées. Électriciens sans frontière avait pourtant anticipé ce besoin, en tirant au sort les 6 localités traitées dans un groupe plus large de 12 localités, dans lesquelles des données de départ sur le profil socio-économique avaient été réunies en collaboration avec la FERDI. L’exploitation de ce cadre d’enquête, en elle-même couteuse, n’aurait certes pas été pertinente en 2020, et nous y reviendront dans le quatrième article de cette série, un second passage de l’enquête en mai 2023 étant en cours de traitement. Mais en attendant, d’autres voies d’investigations ont pu être menées, en combinant l’utilisation de données de télédétection et les rapports d’activité d’Anka.

Découvrez aussi l’article Utilisation de la télédétection : premiers résultats sur l’impact des Cafés Lumière, dans la même série “Mesurer l’impact des projets d’électrification décentralisée”.

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La santé des jeunes dans les pays d’Afrique sub-saharienne : un enjeu majeur dans l’optique des objectifs du développement durable

Portrait des étudiants de l’université de Lomé au Togo : des besoins de santé importants, mais des difficultés d’accès aux soins.

Portrait des étudiants de l’université de Lomé au Togo : des besoins de santé importants, mais des difficultés d’accès aux soins.

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Une expérience de la SFI et du Groupe de la Banque mondiale pour mobiliser le secteur privé en faveur du développement

Les flux financiers privés vers les marchés émergents et les économies en développement (MEED) sont aujourd’hui plus faibles qu’en 2015, lorsque le Programme d’action d’Addis-Abeba des Nations unies et l’Accord…

Les flux financiers privés vers les marchés émergents et les économies en développement (MEED) sont aujourd’hui plus faibles qu’en 2015, lorsque le Programme d’action d’Addis-Abeba des Nations unies et l’Accord de Paris ont été adoptés – engageant le monde à financer les ODD et à réduire les émissions de carbone. Les attentes étaient-elles simplement irréalistes ? Comment pouvons-nous espérer être à la hauteur du défi de notre génération ?

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3 pistes essentielles pour l’agenda du développement des 30 prochaines années

Le 22 Mai 2023, une journée passionnante de débat a été organisée par la Chaire architecture du financement international du développement et la chaire impact de la FERDI. Elle a…

Le 22 Mai 2023, une journée passionnante de débat a été organisée par la Chaire architecture du financement international du développement et la chaire impact de la FERDI. Elle a rassemblé une vingtaine de chercheurs, d’investisseurs, d’entrepreneurs et de dirigeants d’institutions de développement, africains et internationaux. Que retenir de ces travaux ?

L’actualité du débat sur l’architecture des financements internationaux remet sur le devant de la scène la question de la contribution au développement du secteur privé et des financements privés.

Quelle que soit la manière dont on prend le problème, pour parvenir à répondre aux défis des décennies à venir, il faut que le taux d’investissement augmente. C’est tout particulièrement le cas dans les pays pauvres et fragiles, qui sont l’attention prioritaire de tous. La raison en est double : leur croissance démographique d’une part, avec ses implications liées à l’éducation, la santé, l’équipement des territoires, la mobilité, la réponse aux défis sociaux ; le changement climatique d’autre part, avec notamment le défi de l’adaptation. Evidemment, les investissements publics seront indispensables. L’aide publique au développement aussi. Mais il faut aussi que les investissements privés croissent, et que les financements privés en fassent autant.

Il y a en pratique au moins trois séries de sujets différents.

Premièrement, il est souhaitable que les États des pays pauvres et fragiles se financent davantage auprès des banques et sur les marchés, le tout de manière saine et responsable. La période actuelle voit les risques de surendettement croître, notamment en Afrique. Revenir sur cette question est indispensable. La mise en place d’un mécanisme commun et global de coordination en matière de dette est le sujet central, comme le renforcement de la capacité de surveillance du FMI. Le « cadre commun » du G20 amorce ce processus politiquement complexe.

Pour parvenir à répondre aux défis des décennies à venir, il faut que le taux d’investissement augmente

Deuxièmement, il est également souhaitable que plus d’investissements directs étrangers s’orientent vers ces mêmes pays. Le besoin est prioritaire en matière d’infrastructures : le secteur privé productif comme financier national est rarement à l’échelle de la complexité et de la taille des opérations, même s’il peut progresser. L’essentiel se joue à l’échelle des pays mêmes : nous avons besoin de meilleures politiques nationales et de plus de projets. C’est pourquoi les préconisations les plus adaptées concernent la manière d’améliorer les premières, en leur permettant d’accueillir davantage les investisseurs privés, et de renforcer les capacités des administrations, s’agissant des seconds. Les Institutions de Développement peuvent aussi devenir plus proactives pour aider à la fabrication des projets. Il faut également rassurer les investisseurs internationaux face aux risques souverains : améliorer l’accès aux instruments de garantie (comme MIGA, L’Agence multilatérale de garantie des investissements) et permettre aux institutions publiques de financement du secteur privé (DFIs) d’être des partenaires plus rapides et performants. 

Troisièmement, renforcer l’émergence entrepreneuriale et la croissance des PME de ces pays pauvres et fragiles est une priorité de tout premier ordre. Quelles que soient les aides et les garanties dont on pourrait faire bénéficier les grandes entreprises internationales ou les grands investisseurs institutionnels, ces pays sont en effet trop petits et trop complexes pour pouvoir les intéresser autrement qu’à la marge. C’est donc, contrairement à ce qui se passe pour les infrastructures, il faut se situer au niveau du secteur privé local. Celui-ci est en effet lacunaire, fragile, et de très petite taille.

Renforcer la dynamique entrepreneuriale des pays pauvres est possible. Une vingtaine d’années d’expériences et de pilotes ont dégagé des expériences convaincantes, dans un contexte où la volonté d’entreprendre est très grande. Ici, les projets ne manquent pas !  

L’agenda d’aujourd’hui est donc celui du passage à l’échelle.

L’agenda d’aujourd’hui est donc celui du passage à l’échelle. Il faut, en premier lieu, appuyer les entreprises naissantes en renforçant les dispositifs d’accélération, d’incubation et de pré investissement. En second lieu, il faut créer, dans autant de pays que possible, des fonds privés ou des sociétés privées d’investissement apportant des capitaux longs, et du renforcement de capacité, aux petites entreprises en structuration. En troisième lieu, des fonds régionaux sont nécessaires pour financer l’expansion et le renforcement de capitaux des sociétés qui deviennent trop importantes pour être financées au niveau national mais ne peuvent encore accéder, par exemple, aux fonds d’investissement commerciaux. À tous les étages, le renforcement des capacités technologiques et managériales est primordial.

Il y a cependant deux points importants, s’agissant de ce dernier agenda, qui sont trop souvent sous-estimés. 

D’abord, l’épargne nationale est encore trop faible pour pouvoir financer cet effort d’investissement en capital. Par ailleurs, comme nous l’avons dit, l’épargne internationale ne peut vraiment se mobiliser aisément en leur direction. Nous avons donc besoin des financeurs publics, nationaux et internationaux, pour ajouter à l’investissement privé national. C’est pourquoi la mobilisation des fameuses DFIs, comme des agences d’aide publique, est indispensable. 

Ensuite, même si les sociétés privées qui sont financées sont très rentables, et apportent une valeur sociétale considérable, les investisseurs dans ce domaine peuvent rarement atteindre des niveaux de retour correspondant à des attentes de marché. En effet, il est difficile de pouvoir valoriser les petites sociétés africaines, par exemple, à des niveaux équivalents à ceux de leurs sœurs européennes. Les investissements dans ces petites sociétés sont aussi grevés par des frais de gestion élevés, une fiscalité parfois lourde, et des pertes de change, sans parler d’une sinistralité, qui, sans être très élevée, vient quand même s’imputer sur les résultats. Il faut donc que les investisseurs publics acceptent des retours financiers bas, qui se justifient par les retours fiscaux et sociétaux très élevés. Ils doivent aussi accepter, s’ils veulent attirer des investisseurs privés, de leur apporter des garanties ou autres éléments de rehaussement de rendement.

Il s’agit donc d’un agenda qui a un coût budgétaire.

Il s’agit donc d’un agenda qui a un coût budgétaire. Mais ce coût, comme différents travaux le montrent, est modeste au regard du PIB et des gains sociétaux générés. Encore faut-il que les DFIs, par exemple, aient la capacité de soutenir cet effort. Jusqu’à présent, ceci n’a pas été leur mandat. Il faut qu’il le devienne, et que leur modèle économique leur permette de le soutenir. Il revient à leurs actionnaires publics, c’est-à-dire les gouvernements de l’OCDE et de la Chine, d’agir en ce sens. Il faut aussi que les agences d’aide acceptent l’idée que d’engager des fonds publics dans le secteur productif. C’est une barrière idéologique, et parfois de savoir-faire, importante à franchir pour certaines d’entre elles. Il est nécessaire d’investir dans le cadre conceptuel et la justification économique et d’impact pour les rassurer et les convaincre.

Il y a très peu de grandes, et de moyennes entreprises en Afrique. La plupart des grandes entreprises africaines de 2050 ne sont pas encore nées. Accélérer leur naissance, diminuer leur sinistralité pendant la période de leur croissance, rendre leur expansion plus rapide, plus sûre et plus soutenable environnementalement et socialement, voila le grand agenda du développement des trente prochaines années pour les pays pauvres et vulnérables. Il permettra de créer la masse d’emplois absorbant l’immense vague démographique devant nous, qui est tout à la fois un défi et une chance. C’est ainsi que l’on créera les marchés financiers de demain et que les grands investisseurs internationaux se tourneront vers ces pays, encore pauvres, et demain, toujours moins fragiles, si cet agenda réussi.

La société internationale doit gagner en cohérence

Un dernier mot. La société internationale doit gagner en cohérence. Si l’on désire que se connectent les grandes entreprises et les marchés financiers mondiaux avec les pays en développement, la main droite des pays de l’OCDE qui désire les aider doit agir dans le même sens que leur main gauche, qui régit les marchés financiers. Or, nous connaissons une accumulation de règles relatives à lutte anti-blanchiment et antiterroriste, à la gestion des risques bancaires et à l’éthique et l’environnement qui commencent à poser question. Aussi positives et incontestables soient elles dans leur inspiration, elles conduisent en effet à un niveau de risque de conformité qui détourne aujourd’hui trop d’entreprises internationales de premier plan des pays en développement et tout particulièrement des plus pauvres. Il est indispensable de revenir à plus de cohérence et trouver les bonnes modalités et les justes compromis entre le désir d’une part d’assainir et de rendre plus stables les marchés financiers et d’autre part de promouvoir l’investissement dans les zones du monde les plus fragiles.


Cet article est inspiré du document de travail : → Des millions pour des milliards : accélérer l’émergence entrepreneuriale africaine pour une croissance accélérée, durable et riche en emplois. Une publication de Jean-Michel Severino, faisant partie des travaux de la Chaire Architecture Internationale du Financement du développement de la FERDI, et qui plaide pour la nécessité d’accélérer fortement l’implication publique en faveur de l’émergence entrepreneuriale dans les pays pauvres et fragiles.

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Promouvoir les publications africaines pour améliorer le système éducatif et garantir la croissance économique.

D’ici 2050, la population d’Afrique passera de 1,51 milliard de personnes à 2,45 milliards. Cette puissance démographique va propulser l’Afrique au rang d’une grande puissance économique. Le PIB Africain de…

D’ici 2050, la population d’Afrique passera de 1,51 milliard de personnes à 2,45 milliards. Cette puissance démographique va propulser l’Afrique au rang d’une grande puissance économique. Le PIB Africain de 2050, dans les scénarios les plus modestes, étant en valeur absolue le PIB de la Chine aujourd’hui (1). 

Mais cette puissance démographique ne révèlera tout son potentiel que si, durant les trois prochaines décennies, l’éducation est considérée comme une priorité absolue. Sur le moyen et le long terme, l’éducation est le facteur de changement le plus puissant, c’est l’instrument le plus efficace pour lutter contre la pauvreté et les inégalités. Et plus généralement, elle est essentielle à la réalisation de chacun des 17 objectifs de développement durable. 

A titre d’illustration, sur deux cartes, la première indiquant le taux de pauvreté dans le monde (2), le second montrant les taux d’alphabétisation (3) (Premier indicateur du niveau d’éducation d’un pays) on peut observer une forte corrélation entre les deux maps. Les pays ayant les taux d’alphabétisation les moins élevés sont fatalement les moins développés.

Si aujourd’hui les enjeux autours de cette question sont reconnus, et d’ailleurs, des politiques d’accès à l’éducation sont déjà en train d’être appliqués sur le continent, ces efforts doivent aussi être étendus à l’ensemble des acteurs impliqués dans le processus de transmission des savoirs et des savoir-faire dont l’industrie de l’édition. 

Après les bons enseignants, la meilleure opportunité d’apprendre pour un enfant est d’avoir un bon livre.

 La banque mondiale, à titre d’exemple, admet qu’après les bons enseignants, la meilleure opportunité d’apprendre pour un enfant est d’avoir un bon livre. Je pense que cela définit parfaitement le rôle essentiel des livres.  Tous les livres, et pas seulement les manuels, fournissent les meilleures opportunités d’apprentissage possibles.

Si vous voulez que l’édition influence l’éducation d’un pays, elle doit être également endogène.

Aujourd’hui, le marché des manuels éducatifs, mais plus généralement des livres, est dominé par les produits importés. Le savoir-faire (Know-how) local et africain tend à être éclipsé par les savoirs (Know-what) universels. Mais les deux peuvent et doivent cohabiter.

Dans un monde de plus en plus globalisé, il est important d’acquérir les savoirs universellement reconnus, répondant aux conditions épistémologiques de la science moderne, marqué par le sceau de la rigueur dans la collecte des informations, validé par la multiplication des expériences et débarrassé de toute irrationalité (4). L’acquisition de ces savoirs scientifiques, à vocation universelle et normative est nécessaire, sous peine d’être marginalisé dans la cité globale. 

Mais comme dit plus haut, le savoir-faire local tend à s’effacer justement parce qu’à l’opposé des savoirs universels, il est expérientiel, pragmatique mais progressif et surtout ancré dans une expérience ou un contexte qui lui est particulier. Et d’une certaine manière, c’est dans cette forme d’exclusivité que réside tout le potentiel des savoir-faire locaux. Car ils répondent aux questions africaines d’une manière pragmatiques et sont les réponses les mieux adaptées au contexte dans lequel évoluent les sociétés et les entrepreneurs africains. 

Pour des enjeux patrimoniaux et identitaires mais aussi pour la connaissance dans son ensemble, ce savoir-faire doit-être enseigné et transmis aux générations futures de la même manière que l’on transmet les savoirs scientifiques.


  1.  L’Afrique deviendra une grande puissance économique” – Jean-Michel Severino: https://www.youtube.com/watch?v=A2kwLTXUWn8
  2. https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_sovereign_states_by_percentage_of_population_living_in_poverty 
  3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_taux_d%27alphab%C3%A9tisation 
  4. https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/justicecognitive1/chapter/la-place-des-savoirs-locaux-endogenes-dans-la-cite-globale-essai-de-justification/  
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