Chaque année, le Sénégal voit émerger une cohorte de 200 000 jeunes sur son marché du travail, selon les données officielles du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle de…
Chaque année, le Sénégal voit émerger une cohorte de 200 000 jeunes sur son marché du travail, selon les données officielles du ministère de l’Emploi, de la Formation professionnelle de l’Apprentissage et de l’Insertion. Pourtant, malgré cette abondance de main-d’œuvre potentielle, le chômage des jeunes reste une préoccupation majeure.
Cette réalité soulève une question cruciale : pourquoi cet écart entre l’offre et la demande d’emplois ? Et pourquoi tant de jeunes diplômés peinent-ils à trouver une place sur le marché de l’emploi ?
Au 21ème siècle, les métiers ont connu une évolution grandissante et continue, en exigeant des diplômés des qualités non seulement techniques mais surtout, d’être en mesure de faire preuve d’habiletés et d’attitudes personnelles et interpersonnelles : les soft skills.
Dans cet article, nous échangeons avec plusieurs acteurs de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’entrepreneuriat au Sénégal, sur l’actualisation des connaissances et sur l’importance de développer les soft skills dans une optique d’employabilité.
” Les compétences sur lesquelles sont formées les jeunes ne sont pas toujours adaptées aux besoins réels du marché du travail “
La formation des jeunes doit être alignée avec les besoins réels du marché du travail pour garantir une transition efficace de l’éducation à l’emploi. Cet écart s’explique, d’une part, par le fait que l’on met trop l’accent sur l’acquisition de connaissances théoriques au détriment des compétences pratiques. Sur le court et moyen terme, ce décalage peut être comblé par un apprentissage sur terrain dès les premières années de formation, à travers des stages en entreprise ou des alternances. En second lieu, il y a le retard technologique : les avancées technologiques modifient constamment les exigences en matière de compétence et les programmes de formation ne sont pas actualisés assez rapidement pour suivre cette évolution.
– Florence Diob, Responsable du Financement du Fonds de Financement de la Formation professionnelle et technique
” Développer tout autant les Soft skills que les Hard skills “
La qualité de l’éducation s’est sensiblement améliorée, du moins du point de vue technique, mais l’employabilité exige que les apprenants développent les soft skills tout autant que les hard skills. Communiquer efficacement, résoudre des conflits, gérer les relations interpersonnelles… ces aptitudes peuvent s’acquérir dans un circuit de formation initial, mais également via des offres de formations continues et de courte durée. Travailler ces aspects-là permettent d’acquérir un ensemble complet de compétences qui sont nécessaires pour réussir et s’imposer dans un monde professionnel concurrentiel.
– Harouna Thiam, Responsable Formation-Insertion – Ministère de la Formation Professionnelle et Technique
” Enseigner et professionnaliser “
Il y a une différence notable entre enseigner, qui est le fait de transmettre des connaissances et des concepts, et professionnaliser, qui vise à préparer les apprenants dans un environnement professionnel en développant des compétences pratiques et applicables.
Nous proposons une formation école-entreprise, donc enseignement-professionnalisation, avec deux restaurants d’application et une pâtisserie afin de permettre aux étudiants d’être exposés à un environnement professionnel dès leurs parcours d’apprentissage. Depuis 2006, nous avons également mis en place des partenariats avec de grandes institutions hôtelières pour le recrutement de jeunes apprenants. Dans un futur proche, nous prévoyons également de créer une agence de placement pour nos sortants.
– Sidy Dieme, Directeur de l’Institut Les Marmitons[1]
” Une école entrepreneuriale “
Une grande majorité des cursus de formation apprennent aux étudiants comment effectuer un travail. Nous nous sommes donnés comme mission de leur apprendre à en créer. Les actions débutent depuis la première année de licence avec l’insertion du module entrepreneurial dans le programme de licence pour compléter les compétences managériales.
L’école entrepreneuriale se déroule sur 3 étapes :
- En 1e année : Découverte de l’entreprenariat avec une idée de projet pour chaque étudiant ;
- En 2e année : Les étudiants vont créer une mini entreprise ou scénario pour un service ;
- En 3e année : création d’un business plan.
Nous nous concentrons spécifiquement sur le développement des compétences entrepreneuriales, des connaissances en gestion d’entreprise et des aptitudes nécessaires pour créer, gérer et développer une entreprise avec succès.
– Georges Ndeye, Directeur Général d’ISM Ziguinchor [2]
” Les économistes doivent faire une cartographie des besoins en termes d’emploi”
Les grandes tendances du marché du travail peuvent s’anticiper. La cartographie des besoins en termes d’emploi est cruciale pour garantir une meilleure adéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail, favoriser le développement économique, réduire le chômage et améliorer la productivité et la compétitivité des travailleurs et des entreprises.
D’un côté, les résultats de cette cartographie permettraient à un nombre plus conséquent de jeunes de mieux s’orienter dans le choix de leurs parcours académique, et préviendrait par la même occasion une potentielle pénurie de compétences.
– Mame Pemba Balde, HR Manager CRS Afrique de l’Ouest [3]
Le développement du capital humain pour les compétences d’adaptabilité et d’intégration dans un marché du travail en pleine mutation, souligne l’importance de repenser les stratégies éducatives. Les programmes de formation doivent désormais non seulement motiver les étudiants, mais aussi les préparer activement à leur future carrière en développant leurs soft skills.
Cette approche nécessite une réévaluation du rôle de la formation initiale, en mettant l’accent sur le renforcement de la confiance en soi, l’épanouissement individuel et le développement des compétences transversales à travers des stages et des immersions en entreprise.
En investissant dans le développement des soft skills, en adaptant les programmes éducatifs aux besoins du marché du travail et en favorisant la collaboration entre ces différents acteurs, le Sénégal peut créer un environnement propice à l’épanouissement professionnel de sa jeunesse et à une croissance économique durable.
[1] *Les Marmitons est un institut de formation aux métiers de la gastronomie, de l’hôtellerie et du tourisme au Sénégal. En savoir plus
[2] ISM Ziguinchor est un établissement d’enseignement privé installé à Ziguinchor depuis 2005. En savoir plus
[3] CRS est une organisation humanitaire internationale, dont les objectifs comprennent la fourniture d’aide d’urgence, la promotion du développement économique et social, ainsi que le plaidoyer pour la justice sociale En savoir plus.