Penser et agir pour l’entrepreneuriat en Afrique

Côte d’Ivoire

Digitalisation au service de la filière anacarde : le défi de Wi Agri

Leader mondial de la production brute de noix de cajou avec la barre symbolique du million de tonnes d’anacardes récoltés en 2020, la Côte d’Ivoire n’est pourtant que troisième sur…

Leader mondial de la production brute de noix de cajou avec la barre symbolique du million de tonnes d’anacardes récoltés en 2020, la Côte d’Ivoire n’est pourtant que troisième sur le marché mondial de transformation de l’anacarde avec seulement 2,3%, bien loin derrière les deux mastodontes asiatiques que sont le Vietnam et l’Inde qui, ensemble, cumulent plus de 80% des parts du marché mondial.

Actuellement, 1,5 millions de personnes sont directement engagées dans la chaîne de valeur anacarde ivoirienne : 500.000 producteurs (dont 20% de femmes) et 1 millions de travailleur(r/se)s agricoles, essentiellement des ramasseuses. Le pays est le premier producteur mondial de noix de cajou avec une production se stabilisant autour du million de tonnes par an depuis 2020 grâce notamment à une réforme engagée et mise en œuvre dans le secteur agricole depuis 2013. Cette réforme ayant permis à la Côte d’Ivoire de passer d’une production de 400.000 tonnes en 2011 à 970.000 tonnes en 2021.

Là où ces efforts de production sont à saluer, seuls 10 à 20% des anacardes produits sont transformés localement. La Côte d’Ivoire en exporte en effet plus de 800.000 tonnes  par an sous forme de noix brutes, soit plus de 40% de l’offre mondiale, faisant de l’anacarde le deuxième produit agricole d’exportation ivoirienne tant en volume qu’en valeur. L’anacarde brute est exporté vers l’Asie, au Vietnam et en Inde, où il est transformé et ré-exporté vers des pays à forts pouvoirs d’achat : aux USA, en Europe et au Moyen Orient, où la demande n’a pas connu de ralentissement malgré la période Covid, contrairement à d’autres produits agricoles.

La politique nationale ivoirienne et sa stratégie économique pour 2025 vise à faire passer la part de la production transformée localement de 10 à 50%, avec un impact considérable en matière de création de valeur et de création d’emplois, particulièrement féminines et en milieu rural. Objectif ambitieux mais non moins réaliste si le pays relève les nombreux défis que cela implique.

 

Une passerelle numérique entre l’offre et la demande

Chaque année, ce sont près de 20% de la production totale de noix de cajou brutes qui sont exportées de manière illicite vers les pays limitrophes de la Côte d’Ivoire, notamment vers le Ghana. Depuis l’instauration d’une taxe sur l’exportation des noix brutes pour encourager la transformation locale il y a une dizaine d’années, la contrebande d’anacardes a explosé justement parce que cette nouvelle politique de taxation n’a pas été suivie par les pays voisins de la Côte d’Ivoire. Les noix brutes sont collectées et acheminées illégalement vers le port de Tema au Ghana où les dépenses portuaires sont inférieures à celles appliquées à Abidjan.

Si une taxation homogène de la filière anacarde au niveau de la CEDEAO permettrait à terme d’endiguer ce phénomène d’exportation illicite, en parallèle, il y a une véritable nécessité à mettre en place des mesures concrètes d’accompagnement pour que l’offre de noix brutes rencontre les demandes des unités de transformation locales. 

Alternative intéressante et qui commence à faire ses preuves dans d’autres filières agricoles, les technologies digitales au service de l’agriculture (D4ag) permettent aux producteurs et aux entrepreneurs du secteur agroalimentaire d’accroître leur productivité, leur efficacité et leur compétitivité, de faciliter l’accès aux marchés, d’améliorer les résultats nutritionnels et de renforcer la résilience au changement climatique.

La Plateforme digitale Wi-Agri s’est fixée pour challenge de contribuer à la réussite de la stratégie nationale ivoirienne en modernisant l’accès au marché et aux services financiers et non financiers pour les petits producteurs d’anacarde et en permettant aux PME ivoiriennes de s’appuyer sur la digitalisation pour apporter à l’échelle, des relations commerciales rapides, sécurisées et transparentes aux petits producteurs et aux coopératives qui les encadrent. 

D’ici 2025, la plateforme Wi-Agri projette d’atteindre 500 000 utilisateurs dont 100 000 femmes, et de créés 20 000 emplois.

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Les universités africaines ferment-elles leurs portes aux femmes ?

Abidjan, début des années 60, la jeune Dicoh Mariam Konan entame des études de chimie au Lycée Technique. Elle deviendra la première femme chimiste de Côte d’Ivoire. Son portrait sur…

Abidjan, début des années 60, la jeune Dicoh Mariam Konan entame des études de chimie au Lycée Technique. Elle deviendra la première femme chimiste de Côte d’Ivoire. Son portrait sur les pièces de 25fcfa, encore en circulation aujourd’hui, illustre l’impact de son parcours. Il symbolise une Afrique de l’Ouest en progrès, avec des femmes instruites, alors que la période des indépendances bat son plein. 60 ans après, ce progrès est au ralenti, seul 8% de femmes ivoiriennes poursuivent des études secondaires. Un chiffre qui s’applique au reste des pays de l’Afrique subsaharienne. Comment expliquer cela ? 

Au cours des années, les femmes subsahariennes ont trouvé sur leur chemin de nombreux obstacles socio-économiques s’opposant à la poursuite d’études supérieures. Notamment, les stéréotypes liés au genre et à la place des femmes dans la société, la préférence marquée pour l’éducation des garçons et la pauvreté. En effet, le coût de l’enseignement supérieur pèse généralement plus sur les ménages pauvres que les ménages riches.

Pourtant, les études le prouvent les femmes ont un rôle primordial dans l’économie du continent. Selon l’UNESCO, les répercussions de l’éducation des filles sur la croissance économique nationale sont indéniables : une augmentation d’un point de pourcentage de l’instruction des filles entraîne un accroissement du produit intérieur brut (PIB) moyen de 0,3 point et un relèvement du taux de croissance annuel du[1] PIB de 0,2 point.

Ces données soulèvent plusieurs questions :

  • Quels sont les mécanismes à mettre en place pour assurer un accès durable à l’éducation supérieure pour les jeunes  filles ? 
  • Comment influer sur des pratiques sociétales ancrées  ? 

Retour sur 3 mécanismes mis en place par I&P Education et Emploi, visant à augmenter le nombre de jeunes filles inscrites dans les établissements d’enseignement supérieur pour leur permettre de trouver leur place sur le marché du travail.

Dépasser la barrière socio-économique

A l’ISM Ziguinchor, 11h, Elise, originaire de la région de Sédhiou au Sénégal, suit un cours de management. Après avoir interrompu sa scolarité suite à une grossesse, elle a bénéficié d’une bourse d’excellence de l’ISM Ziguinchor. Première institution d’enseignement supérieur de la capitale casamançaise, l’établissement est un bel exemple de parité, en effet, les jeunes filles représentent 55% des effectifs.

La politique est claire : « Lors de l’attribution des bourses, 60% de filles et 40% de garçons. A compétence égale le choix se porte sur la fille. », affirme Georges Bernard Ndèye, directeur de l’établissement. Lorsqu’on lui demande pourquoi les filles, la réponse est simple : « Le désir de sortir les filles de leur situation de vulnérabilité ».

L’enseignement supérieur a un coût supplémentaire pour les familles habitant les zones rurales ou sans université qui doivent se tourner vers des capitales ou les villes secondaires.  Pour les familles cela signifie des frais additionnels tels que le transport, l’hébergement, ou encore l’alimentation[2]. Au Ghana, par exemple, chez les ménages les plus défavorisés, l’envoi d’un jeune dans un établissement d’enseignement supérieur augmente de 37 % leurs dépenses non alimentaires[3], un sacrifice inenvisageable pour nombre d’entre eux.

L’envoi d’un jeune dans un établissement d’enseignement supérieur augmente de 37 % les dépenses non alimentaires d’un ménage pauvre au Ghana

Les étudiants et leurs familles analysent les avantages d’une formation supérieure, face aux revenus si le jeune travaillait juste après le lycée. Pour Priska Manga, Docteure à l’Université Cheikh Anta Diop, le premier obstacle des filles est la famille. Des normes sociales (rôle des hommes et des femmes dans la famille, mariage, maternités etc.) entrent également dans la balance. Un proverbe wolof dit “ Diangou Djiguène amoul ndieurigne”, les études d’une femme n’ont pas d’utilité. Investir dans l’éducation supérieure des jeunes filles, peut-être perçu comme une perte de temps et d’investissement pour les familles les plus vulnérables.

Le niveau d’éducation des parents est un facteur essentiel à la prise de décision. Lorsque le chef de famille a achevé le secondaire, les enfants ont 10 fois plus de chances poursuivre des études supérieures qu’un enfant au sein d’un ménage dont le niveau scolaire du chef de famille est inférieur. Ainsi, convaincre les familles vulnérables de l’importance des études supérieures des jeunes filles est nécessaire. Mais il est indispensable de coupler ce changement sociétal à des mécanismes de soutien financier. L’octroi d’une bourse peut conditionner la poursuite des études supérieures pour une jeune fille de milieu défavorisé.

Des infrastructures de proximité et adaptées

En 2016, l’ISM Ziguinchor souhaitant répondre aux problématiques d’hébergement de ses étudiants, a décidé d’ouvrir une antenne à Kolda, ville située à 500km de Dakar. A la rentrée scolaire, l’administration s’est aperçue que les effectifs étaient en majorité composés de filles mariées, dont les familles ne voulaient pas qu’elles s’éloignent pour leurs études. Les familles souhaitent garder leurs filles au sein d’un cercle familial, pour les protéger, mais aussi éviter tout incident qui mettrait à mal leurs réputations (grossesses indésirées, etc.). Rapprocher l’établissement des étudiantes dans les régions rurales permet d’augmenter leur accès à une éducation supérieure de qualité, lorsque les normes sociales les empêchent d’aller seules en ville. Pour les étudiantes mères, la mise à disposition de crèche sur le lieu d’apprentissage favorise le maintien dans les études. Pour aider les apprenantes à se concentrer sur leur formation, l’UNICEF a mis en place un système de garderie dans le cadre du projet “Girl Power” en Côte d’Ivoire. Le projet vise à renforcer les compétences entrepreneuriales des jeunes filles des banlieues[4].

  • Les dortoirs : lorsque l’école devient la maison

Les familles ont également recours à des systèmes de tutorat. L’étudiant (fille comme garçon) est placé sous l’autorité d’un tuteur, généralement une connaissance familiale. Le cas échéant, ou lorsqu’il y a des difficultés qui se présentent au sein de la famille d’accueil, les filles abandonnent leur scolarité.  Une autre solution est de faire de l’école le lieu de vie.  La construction de dortoirs dans les établissements permet aux familles de trouver une solution fiable à la question de l’éloignement du lieu d’apprentissage. Cette solution en cours d’expérimentation dans les Etablissements ESSECT Poincaré. Située dans la ville de Bouaké en Côte d’Ivoire, l’école accueille les élèves de toute la région -essentiellement agricole- et au-delà.

  • L’importance de structures sanitaires décentes et adaptées

En plus d’avoir des toilettes décentes, il s’agit également d’équipements adaptés à la physiologie féminine et disponibles dans les sanitaires.

Une fois poussées les portes de l’établissement, les étudiantes y passent une grande partie de leurs journées. En plus de la disponibilité d’infrastructures, il est important qu’elles s’y sentent à l’aise. A la fois privées et publiques, les toilettes sont des lieux qui doivent répondre aux exigences de sécurité, d’hygiène et d’intimité[5]. Mr Ndèye considère depuis son entrée dans le programme IP2E que des sanitaires décents sont des fondamentaux pour l’épanouissement des jeunes filles.  Pendant leurs règles, les filles ont davantage besoin d’avoir accès à des toilettes disposant d’eau, de savon et de poubelles où elles pourront disposer de leurs protections hygiéniques[6]. La mise à disposition de ces protections est également nécessaire. En plus d’avoir des toilettes décentes, il s’agit également d’équipements adaptés et disponibles dans ces espaces. Lorsqu’elles sont interrogées, les filles expriment un intérêt pour les toilettes séparées. Elles mettent souvent en avant les critères d’hygiène et la volonté d’intimité et de sécurité.

  • Assurer la protection et le bien-être des étudiants

Mettre en place un environnement d’apprentissage sûr va au-delà des infrastructures. Les violences sexistes et sexuelles touchent davantage les filles que les garçons. Elles sont présentes durant les études supérieures, mais non dénoncées. Il peut s’agir de cas de harcèlement entre étudiants, ou entre professeurs et étudiants, comme des cas d’échanges de bonnes notes ou d’offres d’emploi contre des faveurs sexuels[7]. Au sein du programme IP2E, toutes les entreprises soutenues élaborent une politique de « sauvegarde des étudiants ». Cette politique vise à prévenir et répondre à différents types d’incidents (violences sexuelles, sécurité physique, etc.) et renforcer la sensibilisation des étudiants et du personnel sur ces sujets. Les établissements développent des mécanismes de remontée et de traitement des plaintes. Ils permettent particulièrement d’installer un climat de confiance, et d’améliorer l’expérience d’apprentissage des jeunes filles.

Des rôles modèles pour inspirer

A l’Institut Ivoirien de Technologie (IIT), en même temps que les cours de business ou d’informatique, les étudiants reçoivent des cours de leadership et de développement personnel. Prisca et Grâce, deux étudiantes en deuxième année expliquent que ces cours aident « à se connaître soi-même, trouver ses forces pour vaincre leurs faiblesses ». Elles discutent souvent l’épanouissement des jeunes filles avec leurs camarades garçons. Pour Grâce, une des raisons de la non-poursuite des études supérieures est le manque de confiance des filles en elle. Ce manque de confiance naît de la « faible estime » que l’entourage accorde à l’éducation des jeunes femmes.

Les stéréotypes de genre se retrouvent aussi dans l’orientation. Les filières dites porteuses, telles que les filières scientifiques sont souvent attribuées aux garçons. Fabricia Devignes, experte genre à l’Institut international de planification de l’éducation de l’Unesco explique que « la représentation des femmes a un impact sur l‘éducation des filles et les résultats d’apprentissage ».

Dans les entreprises du programme I&P éducation et Emploi, un établissement fait la différence dans les sciences : l’Université des Sciences de la Santé de Dakar (USSD). Le Conseil d’Administration de l’USSD est présidé par une femme. Dans l’université, 60% des étudiants sont des jeunes femmes. Interrogées, les étudiantes expliquent qu’elles viennent pour la plupart des familles où les parents exercent déjà des métiers dans le secteur de la santé. Pour renforcer la détermination de ces futures docteures, l’USSD met aussi en place un programme de leadership féminin. Il s’agit de séances de mentorat durant lesquelles des femmes dans le secteur de la santé animeront des sessions d’échange avec les étudiantes. Pour le professeur Ndir, c’est en prenant l’exemple sur des rôles modèles féminins qu’il y aura « des femmes leaders » dans le domaine.

Faire évoluer les mentalités

A Tamale dans le nord du Ghana, l’entreprise éducative Openlabs rapproche les rôles modèles des communautés locales pour faire évoluer les mentalités. Afin de former les jeunes filles à l’informatique, Prince Charles, responsable du campus et son équipe mènent des actions de sensibilisation auprès des filles dès le primaire, des familles, des associations de femmes et des chefs religieux. Pour faciliter l’échange, certains membres de l’équipe proviennent des communautés ciblées.  Zeinab, étudiante issue de la communauté Choggu prend la parole. Elle explique qu’il est possible d’être une jeune femme, d’appartenir à la communauté et de poursuivre les études supérieures. Prince Charles poursuit en expliquant les avantages financiers que l’éducation des jeunes femmes aura sur ces communautés. Il précise également les bourses et réduction qu’Openlabs offrent aux jeunes filles.

Depuis quelques années, l’écart historique d’accès à l’éducation secondaire entre filles et garçons sur le continent africain s’est considérablement réduit jusqu’à s’inverser grâce aux efforts des gouvernements (Au Sénégal, en 2021 : 52% de filles contre 48% de garçons). Cette quasi-parité a mis en lumière une inégalité non-genrée, mais plutôt une forte disparité selon l’origine sociale et géographique des futurs étudiants, et explique en partie le faible taux de poursuite des études supérieures. Bien que peu de filles et de garçons poursuivent des études supérieures en Afrique subsaharienne, les jeunes filles défavorisées ou vivant en milieu rural se retrouvent au bas de la pyramide de l’accès à l’université.

Garantir un accès durable à l’éducation pour les jeunes filles vulnérables nécessite de fournir des mécanismes de financement de l’enseignement supérieur. Pour les jeunes filles en milieu rural, la multiplication des offres de formation supérieur de proximité représentent aussi un levier à mettre en œuvre. Les établissements doivent être des endroits sûrs, dans lesquels le bien-être, la sécurité et la santé des étudiants seront préservés. Enfin, il est nécessaire de faire évoluer les mentalités, notamment sur la place des filles dans les filières scientifiques pour faire participer pleinement les femmes au développement du continent.

« L’émancipation des femmes passe par l’éducation. Si on arrive à avoir plus de femmes éduquées, on aura des leaders femmes partout »

 D’après la docteure Priska Manga, « L’émancipation des femmes passe par l’éducation. Si on arrive à avoir plus de femmes éduquées, on aura des leaders femmes partout ». Les jeunes filles défavorisées ont besoin d’un accès continu à une éducation de qualité, afin de devenir autonomes, et d’être actrices du développement de leur région[8]. Des études supérieures de qualité développent et renforcent les compétences requises pour s’insérer dans un marché du travail très concurrentiel, et leur permet de prétendre à des revenus décents, suffisants et égalitaires pour améliorer leur qualité de vie.


[1] https://www.globalpartnership.org/fr/blog/leducation-des-filles-releve-du-bon-sens-economique

[2] Darvas, Peter, Shang Gao, Yijun Shen et Bilal Bawany. 2017. Enseignement supérieur et équité en Afrique subsaharienne : Élargir l’opportunité au-delà de l’élite. Directions du développement. Washington, DC : Banque mondiale. doi:10.1596/978-1-4648-1266-8.

[3]Darvas & all

[4] UNICEF. Projet Girl Power. 2020. https://team.unicef.fr/projects/unicef-projet-girl-power

[5] Marion Simon-Rainaud. 2021. Mélanger les filles et les garçons a facilité l’accès aux toilettes », 7 mars 2021 ? https://usbeketrica.com/fr/melanger-les-filles-et-les-garcons-a-facilite-l-acces-aux-toilettes

[6] GPE. 2018. Comment les toilettes peuvent-elles contribuer à promouvoir l’éducation.

[7] BBC News Africa. 2019. ‘Sex for geades’: Undercover in West African universities. https://www.bbc.com/news/av/world-africa-49907376

[8] C. Manse. 2020. Education des filles, émancipation des femmes. https://www.entreprenanteafrique.com/education-des-filles-emancipation-des-femmes/

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Innover dans l’investissement pour renforcer l’autonomisation des Femmes

Cet article a été co-écrit par Ksapa et Investisseurs & Partenaires, et est également publié sur leur site web.   La question du genre est au cœur du débat international….

Cet article a été co-écrit par Ksapa et Investisseurs & Partenaires, et est également publié sur leur site web.

 

La question du genre est au cœur du débat international. Lélimination de la discrimination des femmes et des filles, l’autonomisation des femmes et la parité entre femmes et hommes sont considérés comme des facteurs clefs du développement, du respect des droits humains, de la paix et de la sécurité mondiale. Les Objectifs de Développement Durable ont d’ailleurs réaffirmé ce rôle clef de l’autonomisation des femmes dans le jeu démocratique, pour prendre les décisions qui s’imposent dans sur tous les aspects du développement durable.  

Pour étudier les implications de l’autonomisation des femmes pour le secteur privé, Ksapa s’est rapproché d’Investisseurs & Partenaires, spécialiste de l’investissement à impact sur le continent africain. Ensemble, nous examinons les données du défi de l’autonomisation de la femme, particulièrement prégnant en milieu rural à travers le continent africain. Comment, dans les conditions actuelles, adapter les plans d’action sur le genre des investisseurs et des entreprises pour mieux répondre au défi ? Forts des différentes initiatives que nous menons, Ksapa et I&P tirent des recommandations pratiques pour la mobilisation du capital et les technologies disponibles en faveur de l’autonomisation des femmes.

 

1. Grands enjeux de l’autonomisation des femmes

L’autonomisation des femmes implique, en essence, une distribution équitable des ressources entre les hommes et les femmes, les filles et les garçons. Voilà pour le principe. En pratique, l’autonomisation des femmes bouscule des comportements sociaux très ancrés, qui se traduisent dans des décisions sociales, économiques et culturelles tout aussi structurelles.

  • Des disparités structurelles entre hommes et femmes

De fait, hommes et femmes, garçons et filles ne sont pas égaux face à la pauvreté et dans l’accès aux opportunités d’avancement – et ce, d’autant moins dans le contexte des crises climatiques, sanitaires et socio-économiques actuelles. Les femmes ne représentent qu’un tiers ou moins de la richesse en capital humain dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire inférieur. En Asie du Sud, les pertes liées aux inégalités de genre sont estimées à 9 100 milliards de dollars, contre 6 700 milliards de dollars en Amérique latine et dans les Caraïbes et 3 100 milliards de dollars au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En Afrique subsaharienne, elles atteignent 2 500 milliards de dollars.

À ce titre, l’OCDE publie un indice des institutions sociales et égalité entre hommes et femmes pour mesurer, à l’échelle internationale, les discriminations à l’encontre des femmes dans les institutions sociales. Pour exemple, en 2019, cet indice était de 37.0 au Sénégal, 42,8 en Côte d’Ivoire et 34,5 au Ghana.

  • Impacts socio-économiques de l’autonomisation de la femme

Pour autant, et bien qu’elles fassent l’objet de préjugés, les femmes contrôlent actuellement 32% de la richesse, ajoutant ainsi 5 000 milliards de dollars à la richesse mondiale chaque année. Le tout à un rythme beaucoup plus rapide que par le passé. En outre, pour chaque dollar d’investissement levé, les jeunes entreprises appartenant à des femmes génèrent 0,78 dollar de revenus, contre 0,31 dollar pour les entreprises dirigées par des hommes. Ainsi, la parité entre hommes et femmes sur le marché du travail pourrait générer une hausse de 26% du PIB mondial annuel d’ici à 2025.

  • Zoom sur la femme dans le secteur agricole africain

L’agriculture en particulier représente près de 25 % du PIB de l’Afrique et les femmes constituent près de la moitié de la main d’œuvre de ce secteur en Afrique subsaharienne. Sur l’ensemble du continent, l’agriculture s’avère même le tout premier employeur des femmes, concentrant 62 % des femmes actives. Dans certains pays, comme le Rwanda, le Malawi et le Burkina Faso, elles sont même plus de 90 % à y travailler.

Le travail des femmes est, comme ailleurs, sujet à des disparités critiques – notamment en termes de répartition des tâches et de prépondérance du travail informel. Dans le milieu agricole africain, les femmes tendent à opter pour des cultures et techniques spécifiques et leur travail n’est pas rémunéré de la même façon.

Lorsqu’il fait l’objet d’un contrat, il ne porte pas systématiquement leur nom – et souvent celui de leur mari. De même, les agricultrices africaines ont tendance à investir les marchés locaux et le commerce de détail, là où les hommes misent davantage sur le commerce de gros, avec une portée régionale.

 

2. Intégrer une solide perspective du genre dans les stratégies d’investissements à impact

La lutte contre la pauvreté et la sécurité alimentaire dépendent directement du développement de solutions systématiques pour l’autonomisation des femmes. Les mesures nécessaires pour développer des moyens de subsistance stables grâce au secteur agricole africain incluent donc des dispositifs innovants d’accès à la terre, au capital et moyens de production – en particulier pour les femmes.

C’est précisément pourquoi la Banque mondiale a élaboré une stratégie de genre à destination des développeurs de projets internationaux. Le document liste 4 leviers clefs pour diminuer les écarts entre hommes et aux femmes :

  • Sensibilisation : Améliorer les écarts entre hommes et femmes en réduisant notamment les différentiels d’accès à la santé, l’éducation et la protection sociale (par exemple, les transitions école/travail, les stéréotypes sexistes sur le lieu de travail, les droits en matière de santé sexuelle et génésique…).
  • Opportunité : Supprimer les barrières à un emploi plus important et de meilleure qualité, en stimulant la participation des femmes, les opportunités pour elles de générer leurs propres revenus et d’accéder aux actifs productifs (en gardant à l’esprit les considérations clés de la charge des soins, de l’accès à la mobilité et à l’emploi formel…).
  • Capacité d’action : Renforcer l’expression des femmes et les mettre en capacité d’agir, en incitant les hommes et garçons à partager avec elles les décisions sur la prestation de services, la réduction des violences sexistes et la gestion de situations conflictuelles.
  • Propriété : Supprimer les obstacles à la propriété et au contrôle des biens par les femmes, en améliorant l’accès des femmes à la terre, au logement et à la technologie.

En s’appuyant sur cette stratégie, les investisseurs, et en particulier les équipes de développement, sont amenés à examiner les modalités de dialogue avec les parties prenantes potentiellement impactées, afin d’identifier et évaluer les écarts concrets entre les genres. Autant d’efforts qui débouchent sur le développement d’un plan d’action en matière de genre.

 

3. Exemples pratiques de la mobilisation du capital pour l’autonomisation des femmes

  • Zoom sur 3 entreprises du secteur agricole soutenues par I&P 

I&P est engagé depuis 20 ans pour financer et accompagner l’émergence de champions de l’entrepreneuriat africain. En tant qu’investisseur d’impact, I&P vise un retour social et/ou environnemental positif ainsi qu’une performance financière significative dont l’impact est mesurable par un processus continu d’évaluation.

Cette approche porte à la fois dans le choix d’investissements ciblés et dans l’accompagnement des entreprises sélectionnées. L’accompagnement se caractérise également par la mesure de l’impact social et/ou environnemental de l’entreprise, sur la base d’objectifs prioritaires et de modalités de suivi des progrès sur les impacts positifs escomptés. Dans le cadre de sa stratégie genre1, I&P cherche activement à développer un pipeline de PME, soit gérées par des femmes, soit à fort impact pour les femmes.

I&P inclut donc systématiquement des plans d’action spécifiques au genre dans le plan d’action ESG des entreprises en portefeuille (augmentation du nombre d’emplois féminins, accès à des postes de direction, formations spécifiques…). À date, 33% des entreprises accompagnées par la famille I&P sont dirigées par des femmes. De même, 79% du portefeuille d’I&P répond à au moins un critère du 2X Challenge, une initiative des banques de développement pour définir ce qui serait considéré comme un investissement favorable aux femmes.

Au sein du portefeuille d’I&P, plusieurs entreprises illustrent comment une perspective de genre peut être développée dans le secteur agriculture, comme :

    • Soafiary (Madagascar) :Fondée en 2006 par la promotrice malgache Malala Rabenoro, Soafiary est spécialisée dans la collecte, la transformation et la vente de céréales (maïs, riz) et de légumineuses (haricots, pois du cap, lentilles, soja) sur le marché local et international.
    • Citrine (Côte d’Ivoire) :Citrine Corporation est une entreprise spécialisée dans la transformation du manioc en attiéké frais (semoule de manioc) et en placali (pâte de manioc) au sud de la Côte d’Ivoire, plus précisément à Grand-Bassam.
    • Rose Eclat (Burkina Faso) :Entreprise familiale créée en 1999 par Rosemonde Touré, Rose Eclat est une société de transformation de fruits et légumes. Aujourd’hui, l’entreprise met sur le marché national et international des fruits et légumes transformés et/ou séchés certifiée biologique et conforme à la méthode de gestion de la sécurité sanitaire des aliments (HACCP). L’entreprise produit principalement de la mangue mais aussi des bananes, des gombos, des fraises ou encore des oignons.

Emblématiques de l’action d’I&P en matière d’autonomisation des femmes dans le secteur agriculture, ces trois entreprises se sont engagées à appliquer une politique favorable à l’égalité des genres et à l’autonomisation des femmes. L’une d’entre elles, Soafiary, a retranscrit cette politique en une feuille de route résumant tous ses engagements en matière d’égalité et d’autonomisation des femmes. Cette feuille de route écrite sert à tracer les grandes lignes de la politique genre de l’entreprise, et est surtout un outil concret de suivi et d’évaluation que ce soit en interne ou en externe des avancés et des efforts qui ont été fait par l’entreprise en matière d’égalité homme-femme.

Les trois entreprises priorisent le recrutement des femmes aux emplois saisonniers et n’appliquent aucune forme de discrimination sexuelle pour les recrutements aux emplois fixes. Les femmes y sont également impliquées dans le processus de prise de décision et occupent divers postes à responsabilité. Ainsi, les hommes et les femmes ont les mêmes égalités de chance d’avancement professionnel – soit via l’accès à des emplois fixes ou à emplois saisonniers, et ce avec des rémunérations comparables. Les femmes bénéficient en outre de formations sur leurs lieux de travail.

Rose Eclat en particulier donne l’opportunité aux femmes de se former en dehors de l’entreprise en vue d’un avancement professionnel ou qui leurs permettront plus tard de se mettre à leurs comptes.

Les trois entreprises veillent de plus au respect des droits à l’intégrité physique et morale des femmes sur et en dehors de leurs lieux de travail et les donnent accès à des soins de santé et à la protection sociale. Soafiary a également mis en place un système d’inclusion financière et de bancarisation des femmes. L’accès à des produits et services financiers permet aux femmes d’anticiper le financement d’objectifs à long et moyen terme ou de faire face à des imprévus. Par ailleurs, l’épargne encourage le crédit, et inversement.

  • Zoom sur l’approche SUTTI de Ksapa

Misant particulièrement sur ce levier de la formation, Ksapa a lancé l’initiative Scale-up Training, Traceability, Impact initiative (SUTTI) pour le développement de chaînes d’approvisionnements agricoles responsables. Nous proposons pour cela aux petits exploitants agricoles l’accès à de la formation et de l’éducation technique et opérationnelle. Ainsi nous visons l’optimisation des cultures et la production économique agricole, l’amélioration de la qualité des moyens de subsistance des agriculteurs en augmentant les revenus, en diversifiant les activités et en réduisant la pauvreté et enfin la parité entre hommes et femmes. Et ce, notamment pour retenir les jeunes fermiers dans les zones rurales.

Grâce au développement de notre propre application numérique, nous combinons l’analyse et l’évaluation, la structuration de la coalition et le calibrage du pilote et la mise en œuvre du programme et le suivi de l’impact. C’est ainsi que Ksapa mesure l’impact de l’initiative SUTTI et particulièrement les impacts spécifiques liés aux femmes, principalement leur inclusion dans le programme. Via la formation, nous soutenons l’autonomisation des femmes, en ouvrant la division conventionnelle du travail et le potentiel des femmes à vendre et gérer le produit de leur travail et à exploiter des activités de revenus diversifiées.

Parce que les femmes subissent de plein fouet le manque d’inclusion financière, d’alphabétisation et de compétence numérique, notre solution vise une accessibilité optimale de ces dernières. Nos programmes étant centrés la diversification des revenus des petits producteurs agricoles, ils développent par là même un levier additionnel d’autonomisation des femmes en milieu agricole. En somme, cette approche vise à débloquer 4 défis clefs de la manière suivante :

DEFIS CLEFS  SOLUTIONS PERTINENTES
Faible productivité due au manque d’accès à l’information et aux services, au changement climatique, à la variabilité des conditions météorologiques et aux épidémies de parasites et de maladies.  Sensibilisation aux bonnes pratiques agricoles (BPA) : dispenser des sessions en face à face et numériques pour encourager la génération de revenus via l’efficacité de l’eau, le crédit carbone et la diversification des cultures. Via une application numérique, il est possible de partager des vidéos et des tutoriels qui soutiennent des tests pratiques et la mise en œuvre des BPA à l’échelle de toute l’exploitation. Développer les outils d’aide à la décision : les applications numériques peuvent inclure une fonction de chat communautaire permettant aux petits exploitants agricoles de partager leurs questions et de décider de la meilleure façon de mettre en œuvre les BPA. Une fonction de marketplace offre aux petits exploitants agricoles l’opportunité de partager des informations sur les prix et volumes pour pouvoir décider où et quand vendre. Lever les barrières de langue et de culture numérique : Adapter les solutions aux besoins des petits exploitants agricoles implique notamment de traduire les contenus dans les langues locales – en intégrant une fonction de synthèse vocale à destination des fermiers moins lettrés.
 Manque d’accès à des produits financiers et d’assurance adaptés Développer des solutions financières pour les petits exploitants, payées par exemple avec des jetons émis via un système de compensation carbone.
L’accès des femmes aux services numériques  Organisation des groupes de formation féminins (par exemple, recruter une cohorte exclusivement féminine sur trois) pour identifier et répondre aux besoins spécifiques des agricultrices. Adapter le contenu en conséquence (par exemple, en incluant une perspective de genre, notamment dans les contenus de formation sur la santé-sécurité sur la ferme).
Manque d’accessibilité et de capacité à sélectionner les marchés et modalités de vente  Structurer l’approvisionnement des petits producteurs agricoles en intrants, payés via un système de compensation carbone et les revenus d’un outil de gamification les incitant à répondre régulièrement à des questionnaires de suivi d’impact. Favoriser l’accès au marché en soutenant la diversification des cultures tout au long de l’année en dehors du cycle de production de la culture prédominante des fermiers concernés. Conforter les outils d’aide à la décision avec un module qui permettre aux petits exploitants agricoles d’identifier de nouveaux modes de commercialisation, suivre leurs transactions et identifier les meilleures options pour acheter/vendre leurs cultures

 

Conclusion 

A la tête de leurs programmes à impact respectifs, I&P et Ksapa tirent ensemble 5 grands enseignements pour l’intégration d’une solide perspective de genre :

  • Prioriser les questions d’autonomisation des femmes dans le développement de projets de développement agricole
  • Formaliser les contributions directes et indirectes du secteur agricole aux dynamiques de genre
  • Clarifier les rôles et responsabilités pour le développement d’une robuste perspective du genre
  • Attribuer des ressources spécifiques à l’autonomisation des agricultrices
  • Développer des mécanismes de dialogue et de remontée des griefs propres aux agricultrices
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Emploi des jeunes : L’Afrique ne doit pas former plus, mais former mieux

Il suffit de quelques chiffres pour comprendre l’ampleur des enjeux liés à l’employabilité des jeunes sur le continent Africain. Aujourd’hui, les 15-24 ans représentent 20% de la population africaine, mais…

Il suffit de quelques chiffres pour comprendre l’ampleur des enjeux liés à l’employabilité des jeunes sur le continent Africain.

Aujourd’hui, les 15-24 ans représentent 20% de la population africaine, mais plus de 40% des chômeurs[1]. D’ici 2030, selon les estimations de l’UNESCO, environ cent millions de jeunes débarqueront sur le marché du travail en raison de la structure démographique du continent.

En parallèle, nombre d’entreprises et d’employeurs sont en quête de personnel qualifié[2], et de fait employable[3]. On constate dans de nombreux secteurs une inadéquation entre les programmes de formation disponibles et les spécificités du marché du travail, en constante restructuration.

On pourrait donc se demander si le grand défi aujourd’hui n’est pas de former plus, mais de former mieux ? Et ce notamment dans le cadre des parcours d’enseignement et de formation techniques et professionnels, qui ont évidemment un grand rôle à jouer pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes.

Nous allons creuser dans cet article trois pistes d’amélioration, en se basant sur l’expérience concrète d’une PME africaine ivoirienne spécialisée dans la formation professionnelle : l’Institut de Management, de Gestion et d’Hôtellerie (IMGH), fondée par Augustine Bro en 2009. Entre décembre 2020 et juillet 2021, les collaborateurs d’IMGH (managers, middle-managers, formateurs) ont en effet participé à formation destinée au renforcement des capacités, organisées par la GIZ Côte d’Ivoire.

 

Piste n°1 : bien négocier le virage vers la digitalisation

Tournés vers la pratique, l’apprentissage et l’acquisition des techniques de travail, les parcours de formation techniques et professionnels sont les premiers à devoir s’adapter à la mondialisation et aux changements technologiques qui en découlent. La transition vers le numérique, qui devait se faire de manière progressive, a été drastiquement accélérée par la crise de la Covid-19, qui a touché de plein fouet le secteur de la formation, et par la même redéfini les demandes du marché du travail.

Les prérequis pour bien négocier ce virage sont dans un premier temps d’ordre matériel. En Afrique de l’Ouest, la connectivité des foyers n’est pas assurée dans de larges zones rurales ou isolées. À ces enjeux de couverture internet, s’articulent ceux du coût des forfaits pour consulter les outils en ligne nécessaires à l’apprentissage[4]. Enfin, l’acquisition de matériels informatiques pour accéder aux contenus des formations en ligne s’avère être une charge supplémentaire pour les étudiants.

 

Focus IMGH :

Pour pallier ces difficultés matérielle, l’IMGH a mis en ligne des capsules de formation consultables via ordinateur et mobile. Une initiative qui a solutionné à la fois l’impossibilité de tenir des cours en présentiel au plus fort de la crise Covid, et celui de la connectivité des apprenants dans la mesure où la plupart avaient au moins accès à internet via leurs smartphones. Des efforts financiers seront encore à faire pour que la totalité des étudiants aient accès aux cours en ligne.

Depuis la crise Covid, l’IMGH a définitivement adopté une formule mixte, combinant présentiel et distanciel. Ce format offre plusieurs avantages : apprentissage à un rythme personnel, contenu personnalisable, économie de coûts… c’est aussi un modèle qui a fait ses preuves et qui saura s’adapter à de probables crises futures, qu’elles soient d’ordre sanitaire, économique ou politique

 

Au-delà des questions de matériel et de connectivité, le plus grand défi de cette transition vers le digital pourrait être celui de la compétence des formateurs et de la transmission du savoir (savoirs théoriques, mais aussi et surtout le savoir-faire – techniques, gestes professionnels, pratique – et le savoir-être comportements – qualités – valeurs).

Certains de ces éléments, déjà difficiles à transmettre dans le cadre d’un partage en présentiel, le sont encore plus dans le cas des enseignements à distance ou hybrides et nécessitent beaucoup plus d’implication et de pédagogie de la part des formateurs. D’où la nécessité de former au préalable les formateurs et tout autre personne impliquée dans le processus de transmission.

Piste n°2 : mettre à jour les compétences des formateurs

La qualité et la pertinence de toute formation professionnelle découlent directement de la compétence professionnelle des formatrices et formateurs.

Pour le cas particulier des formations professionnelles, les cours proposés sont pour la plupart assurés par des équipes pédagogiques issues du corps du métier. Cette situation répond à la logique de transmission des techniques propres à chaque métier, qu’il serait difficile de partager autrement. Il n’en reste que ces savoirs empiriques, acquis certes grâce à des années d’expérience dans le domaine, ont tendance à se figer dans le temps. Le risque étant qu’une fois transposés sur le marché de l’emploi, les compétences transmises aux étudiants se révèlent être obsolètes. En conséquence, il est capital de renouveler en permanence les compétences des formateurs.

La formation des managers et mid-managers est également un paramètre indispensable. À l’heure de la transformation numérique, le succès d’une nouvelle stratégie de développement repose sur la capacité de tous les collaborateurs à se l’approprier. Ceux-ci contribuent pleinement à la transformation interne de l’entreprise et participent de ce fait au processus de transfert des compétences.

 

Focus IMGH

La formation de la GIZ, suivie par l’équipe d’IMGH, se fonde sur la logique de l’alternance pratique/théorie/pratique qui permet d’actualiser et transporter directement sur le lieu de travail les connaissances acquises grâce à un point de vue et une expérience extérieure à sa propre organisation.

Selon Augustine Bro, fondatrice d’IMGH, cette formation a permis à l’ensemble de son équipe d’être plus au fait des changements qui s’opèrent sur le marché professionnel et d’adapter leurs offres de formation sur le long terme.

 

Piste n°3 : Renforcer les capacités par la méthode de codéveloppement

Enfin, on peut avoir une approche plus collective des nouvelles problématiques liées à la transformation des métiers. Remettre à jour les compétences et savoirs pour s’adapter au mieux à la demande du marché de l’emploi est une nécessité, et le fait d’être au contact d’autres professionnels serait un moyen efficace pour pallier ses propres lacunes et acquérir de nouvelles connaissances.

Le groupe de codéveloppement professionnel est une approche de développement pour des personnes qui croient pouvoir apprendre les unes des autres afin d’améliorer leur pratique. La réflexion effectuée, individuellement et en groupe, est favorisée par un exercice structuré de consultation qui porte sur des problématiques vécues actuellement par les participants[5].

La méthode de codéveloppement permet ainsi de directement attaquer le côté pratique d’un travail, d’une tâche à exécuter, de manière concertée. A l’inverse d’une approche normative qui n’offre finalement qu’un point de vue unique, le codéveloppement, par le biais de la pluralité des contributions, décuple les perspectives de développement. Cette approche invite chacun à considérer une situation d’un angle différent et complémentaire, à pousser la réflexion beaucoup plus loin et à adapter de nouvelles solutions plus productives.

 

Focus IMGH

« L’adoption de la méthode de codéveloppement a amené un nouveau souffle au sein de notre organisation. Une nouvelle dynamique très positive s’est installée et chacun y met volontairement du sien aujourd’hui que cela soit sur des questions de formation, de management ou de gouvernance. Par exemple, ceux qui ont plus de facilité en informatique n’hésitent pas à donner un coup de pouce à leurs collègues en difficulté et ceux qui sont en peine sur d’autres sujets n’hésitent pas non plus à demander des conseils ou de l’aide. Que cela soit sur le plan comptable ou sur l’ambiance de travail, cette méthode ne présente jusqu’ici que des avantages » – Augustine Bro

 

En conclusion

L’inadéquation entre les programmes de formation existant et les besoins d’un marché du travail en constante évolution entravent le développement économique des pays africains. Les opportunités existent et se créent, mais le continent peine encore à fournir une main d’œuvre qualifiée et employable.

Les acteurs de la formation professionnelle, comme IMGH en Côte d’Ivoire, doivent proposer du contenu à jour et pertinent. Nous avons évoqué ici quelques pratiques mises en œuvre par IMGH depuis la crise Covid-19 et la formation de la GIZ (digitaliser son offre de formation, renforcer les compétences des formateurs et des équipes…), mais bien d’autres idées peuvent encore être formulées pour apporter une formation professionnelle pertinente et de qualité à la jeunesse africaine !


[1]  http://www.iiep.unesco.org/fr/en-afrique-la-transformation-de-la-formation-professionnelle-est-en-marche-13763

[2]  Jean-Michel SEVERINO, RFI 20/01/19 https://www.rfi.fr/fr/emission/20190121-afrique-manque-emplois-qualifies-investir-formation

[3] En se référant à la définition donnée par l’Organisation internationale du travail (OIT), l’employabilité est « l’aptitude de chacun à trouver et conserver un emploi, à progresser au travail et à s’adapter au changement tout au long de la vie professionnelle »

[4] https://www.entreprenanteafrique.com/les-ecoles-africaines-au-temps-du-covid-19/#_ftn6

[5] Adrien PAYETTE, Claude CHAMPAGNE, PUQ, 1997 ( https://www.puq.ca/catalogue/livres/groupe-codeveloppement-professionnel-573.html )

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Le numérique pour relever le taux de réussite scolaire en Afrique

Octobre 2000 – Octobre 2018, déjà 18 ans que j’ai quitté le lycée dans lequel j’ai passé tout mon cycle secondaire de la 6ème à la Terminale: le lycée municipal…

Octobre 2000 – Octobre 2018, déjà 18 ans que j’ai quitté le lycée dans lequel j’ai passé tout mon cycle secondaire de la 6ème à la Terminale: le lycée municipal de la plus grande commune d’Abidjan, grande par sa superficie, son nombre d’habitants au m2 mais aussi et surtout grande par le nombre d’élèves comptés par classe, à cette époque: 80 en moyenne. Je le retrouvais en 2018 scindé en deux lycées pour une meilleure gestion du nombre pléthorique d’élèves dans les mêmes bâtiments vétustes datant de plus 30 ans.

Enthousiasme et nostalgie traduisent parfaitement les sentiments qui m’ont animée pour la présentation du projet qui m’y avait conduit, un projet de coeur d’une haute ambition : relever le taux de réussite aux examens de cet établissement qui oscille autour de 30%, finalement pas si loin de celui du taux national au Baccalauréat (40% en moyenne des 5 dernières années).

Je me nomme Christelle HIEN-KOUAME, ingénieure en marketing et communication, entrepreneuse depuis maintenant 9 ans dans le domaine de communication et du marketing et foncièrement passionnée par l’éducation offerte aux élèves dans mon pays et mon continent.

Contribuer à relever  le taux de réussite scolaire national, n’était-ce pas trop ambitieux comme objectif ?

Le saut dans le domaine éducatif est passionnant et engagé car il nous concerne tous depuis le niveau d’instruction du personnel de la maisonnée, jusqu’au rendu professionnel des collaborateurs en entreprise. Que l’on soit ou non un acteur de l’éducation, nous sommes tous impactés, mieux vaut alors y contribuer à sa manière et selon ses moyens.

Le projet prenezlesfeuilles.com

Le projet au départ était d’offrir aux élèves un recueil numérique de devoirs et d’examens tiré des meilleurs établissements de Côte d’Ivoire afin :

  • de préparer les élèves à exceller dans leurs devoirs et examens car on ne réinvente pas la roue, on l’adapte, la customise: les devoirs et examens de notre système éducatif sont définis par le programme scolaire. Chaque année, d’autres élèves s’y soumettent, les plus malins s’y préparent et les plus intelligents comprennent ce qu’il leur faut comme base pour affronter tous types de devoirs ou examens.
  • leur redonner confiance en eux quant à leur niveau car en réalité un enfant de 3ème d’un lycée coté de la capitale n’a pas le même niveau qu’un élève de même cycle d’un autre établissement d’une ville de l’intérieur du pays !

Mes deux objectifs primaires définis, je m’orientai vers le numérique pour offrir une solution accessible, fiable et innovante à tous ces élèves. Me voilà lancée sans le savoir dans la EDTECH avec les fonds de mon agence de Communication qui voyait s’empiler des devoirs de toutes les disciplines provenant des établissements qui n’avaient pas moins de 70% de taux de réussite aux examens.

Le bébé naît, est spolié dans un pays voisin, est donc rebaptisé un an plus tard sous www.prenezlesfeuilles.com, est officiellement présenté aux autorités (ministère de l’éducation nationale), est apprécié et autorisé à être présenté aux élèves dans tous les établissements du pays. Les affres et tumultes de sa conception lui ont donné plus de coffre, plus de résilience, plus d’objectifs à atteindre. Se limiter à mettre des devoirs et examens à la disposition d’élèves devenait restrictif. Il fallait proposer plus d’alternatives pour les inciter à faire réellement leurs devoirs, les challenger, les motiver à se surpasser quelque soient leurs séries ou disciplines choisies, faire mieux que nous les années précédentes.

Évolutions de la plateforme

Après une analyse profonde des facteurs de réussite, un facteur clé paraissait irréfutable (autre que l’environnement et la motivation) : les outils d’apprentissage.

Nous avons alors intégré à la plateforme trois ingrédients importants: la motivation par la récompense en leur offrant des cadeaux pour des quizz ou exercices effectués correctement dans un délai imparti, l’aide à l’orientation en parlant de métiers avec des parcours différents et enrichissant pour semer des graines de rêve conducteur et enfin des petites capsules de culture générale diffusées sur leur téléphone mobile par le canal WhatsApp.

En Août 2019 www.prenezlesfeuilles a été racheté par ENEZA EDUCATION, entreprise EDTECH, initiatrice d’un autre service éducatif innovant via le mobile qui offre des tutoriels de cours et des quiz via le canal SMS de n’importe quel téléphone mobile (EDU par sms au 98051 en CIV). Aujourd’hui alors, l’élève ivoirien a à sa portée les cours de tout son programme scolaire expliqué en mini tutoriels et des quizz lui permettant de vérifier ses connaissances. Le site prenezlesfeuilles l’aide à préparer les prochaines évaluations à partir de devoirs déjà réalisés dans les meilleurs établissements du territoire.

Le prochain challenge est de mieux faire connaitre cette solution auprès de tous les élèves et parents d’élèves sur toute l’étendue du territoire et de prouver son réel impact dans les résultats scolaires des abonnés.

Les challenges… j’adore les relever! Comme celui d’il y a 18 ans lorsque j’étais la seule fille d’une classe de terminale scientifique dans un lycée de la commune de Yopougon (commune populaire d’Abidjan capitale de la Cote d’ivoire) qui ne devait pas pâlir face au taux de réussite des « garçons » au Baccalauréat. Ou comme celui d’il y a 9 ans lorsque je démissionnais pour m’installer à mon propre compte comme jeune entrepreneuse dans le domaine de la communication et qui devait assumer son choix et tout ce que cela impliquait…. relever les challenges non par euphorie ou plaisir mais pour redonner une part de ce que nous avons reçu gracieusement de la famille, de l’Etat et de la société  … redonner pour être plus riche !

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La résilience des entreprises ivoiriennes face aux conflits, une leçon pour les économies africaines

Florian Léon et Ibrahima Dosso pour The Conversation. De nombreux pays en développement sont vulnérables aux désastres climatiques et conflits, notamment en Afrique, en raison de leur plus forte exposition…

Florian Léon et Ibrahima Dosso pour The Conversation.

De nombreux pays en développement sont vulnérables aux désastres climatiques et conflits, notamment en Afrique, en raison de leur plus forte exposition et/ou de leur plus faible capacité de gestion de ces chocs.

Afin de favoriser un développement pérenne, il convient de construire des systèmes économiques résilients. Dans cette optique, des recherches récentes ont cherché à évaluer les effets à long terme des conflits et/ou désastres naturels sur les économies et les moyens de les atténuer. Plusieurs travaux ont ainsi souligné que les désastres naturels et les conflits violents ont des effets à long terme sur les ménages, en particulier sur l’éducation et la santé des jeunes enfants.

Dans une étude récente, nous avons travaillé sur la capacité de résilience des entreprises ivoirienne à l’aune de la crise électorale de 2010-2011.

Les entreprises et la crise de électorale de 2010-2011

Les entreprises jouent un rôle essentiel dans la création d’emplois, de valeur ajoutée et la redistribution de la richesse dans l’économie ivoirienne.

Le tissu entrepreneurial des PME à lui seul emploie par exemple près de la moitié de la population active pour une contribution au PIB de l’ordre de 20 %.Mais, en dépit de leur importance pour l’activité économique, peu de travaux se sont intéressés à l’effet à moyen et long terme de ces adversités sur les entreprises.

Si l’activité économique est réduite suite à un choc, elle ne disparaît pas pour autant.

Les événements extrêmes tendent à stimuler le développement des activités informelles dans une logique de subsistance. En outre, les entreprises survivantes peuvent bénéficier d’effets positifs suite aux conflits en raison de l’entrée massive d’aides extérieures (financière, humaine et matérielle) ou de la disparition de concurrents. Enfin, les effets peuvent être différenciés selon les caractéristiques des entreprises et selon les secteurs d’activité.

Dans le cadre de notre étude, et contrairement aux travaux antérieurs, nous avons eu la possibilité de suivre l’activité de l’ensemble des entreprises formelles (locales et étrangères) sur une période longue : à compter de deux ans avant la crise et jusqu’à trois ans après.

La crise post-électorale ivoirienne a explosé à la suite des élections présidentielles qui étaient censées clore la décennie de crise politico-militaire qui avait conduit à une division du pays. De Noël 1999 aux accords de Ouagadougou en 2007, la Côte d’Ivoire a été secouée par un conflit interne. La crise de 2011 a lieu suite au second tour des élections présidentielles le 28 novembre 2010. Les deux candidats (le président sortant Laurent Gbagbo et son opposant Alassane Ouattara) clament la victoire. Des combats éclatent entre les partisans des deux camps de janvier à avril 2011.

En dépit de sa brièveté, cet épisode a eu de profondes conséquences. La Commission nationale d’enquête mise en place à l’époque comptabilise plus de 3 000 morts et plus de 700,000 déplacés.

L’activité économique a été fortement perturbée avec un embargo sur de nombreuses exportations, la fermeture de banques et un accès limité à certains biens (médicaments, carburants, etc.).

Après l’arrestation du président sortant (le 11 avril 2011), puis l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara, les combats se sont rapidement estompés et l’économie a pu repartir avec une croissance de plus de 5 % dans les années post-crise.

Les petites entreprises plus résilientes que les grandes

Pour comprendre comment les entreprises ont rebondi suite à ce choc, nous avons suivi les entreprises ivoiriennes sur plusieurs années.

Nos résultats montrent que trois ans après la crise, les entreprises n’ont récupéré que la moitié des pertes en termes de productivité. Cependant cette moyenne cache de fortes disparités individuelles.

Les plus petites entreprises (moins de 10 salariés) ont été en mesure de rebondir plus rapidement que les autres. Plusieurs explications peuvent être avancées. Tout d’abord, les petites structures sont plus flexibles pour faire face à un avenir incertain. Elles sont davantage tournées vers les marchés locaux, les rendant moins sensibles aux ruptures d’infrastructures, disposent d’une structure et d’une gestion beaucoup plus simples, ce qui leur permet de s’adapter plus immédiatement aux variations du marché et aux problèmes logistiques.

À l’opposé, les entreprises à capitaux étrangers tournées davantage sur l’extérieur, et donc ayant besoin d’un accès aux marchés étrangers (ports et routes), ont davantage souffert que les entreprises locales durant et après la crise.

Ces entreprises sont en effet vulnérables à une limitation d’accès aux marchés extérieurs à la fois pour les intrants et pour l’écoulement de leurs productions. De plus, elles ont été sans doute particulièrement impactées par l’exode des travailleurs étrangers.

Notre étude offre deux autres résultats intéressants en lien avec les recherches antérieures. Tout d’abord, les entreprises ayant recours à des travailleurs qualifiés et/ou ayant un niveau d’encadrement plus important, ont été particulièrement pénalisées.

Deux éléments complémentaires expliquent ce résultat. Tout d’abord, un certain nombre de travailleurs qualifiés ont fui la Côte d’Ivoire et ne sont sans doute jamais retournés par la suite. En effet, de nombreux travailleurs qualifiés sont des étrangers issus de pays voisins ou plus lointains (comme la France). Il est vraisemblable que cette nouvelle crise, qui est venue s’ajouter aux précédentes, ait induit une fuite permanente des plus qualifiés.

Ensuite, pour ceux qui sont retournés dans leur ancienne entreprise, il a fallu un temps d’adaptation. Une partie de leur compétence s’est érodée selon un processus de dépréciation des connaissances comme cela fut montré dans une étude antérieure sur le conflit en Sierra Leone.

L’accès au financement, un atout majeur

Notre recherche a aussi mis en évidence l’importance de l’accès au capital pour favoriser la reprise d’activité.

Les entreprises qui étaient les moins contraintes financièrement avant la crise de 2011 sont celles qui ont le plus facilement rebondi. Les banques mises en difficulté suite aux événements de 2011 ont sans doute privilégié leurs clients historiques (au détriment des autres entreprises). Nous observons notamment une augmentation des prêts en souffrance en 2011 pour les banques ivoiriennes, selon les données de la Commission bancaire de l’UEMOA, l’Union économique et monétaire ouest-africaine.

Ce résultat confirme les résultats d’une recherche sur les entreprises sri-lankaises suite au tsunami de décembre 2004. Cette étude a montré que l’aide financière a permis d’accélérer la reprise d’activité.

Ces nouveaux enseignements apportent ainsi un éclairage intéressant pour construire un système économique résilient. Si le recours aux travailleurs qualifiés et cadres est crucial pour favoriser le développement des entreprises, il peut constituer une source de vulnérabilité en cas de choc. Une entreprise trop dépendante de quelques travailleurs peut être fortement pénalisée en cas de disparition (mort, fuite) de ceux-ci.

Il convient de trouver des outils pour réduire cette vulnérabilité en développant d’une part, la formation des cadres et ingénieurs/techniciens afin d’accroître le vivier de capital humain disponible et en favorisant le retour et la remise à niveau de ceux-ci après un choc brutal (conflits, désastres naturels).

D’autre part, un accès rapide à des capitaux est crucial pour favoriser une reprise de l’activité. Des outils d’urgence, à l’image des prêts d’urgence du FMI, peuvent être développés pour favoriser l’octroi et le ciblage de crédits suite à un choc.

De plus, la réglementation bancaire peut aussi être adaptée aux situations extrêmes. Par exemple, un moratoire sur les ratios de capital pourrait être imaginé afin de permettre aux banques de continuer à financer l’activité réelle.

Enfin, il paraît essentiel d’étendre la réflexion aux acteurs non-bancaires (assurances, société de capital-investissement) et d’utiliser les avancées technologiques (mobile-bankingfintech) pour mobiliser et allouer les fonds efficacement et à moindre coût.

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Parcours d’entrepreneures africaines (1/2): Patricia Zoundi Yao et Catherine Krobo-Edusei

65 % de la richesse du continent africain est produite par les femmes entrepreneures d’après la dernière étude publiée par le cabinet de conseil Roland Berger fin septembre 2018. En…

65 % de la richesse du continent africain est produite par les femmes entrepreneures d’après la dernière étude publiée par le cabinet de conseil Roland Berger fin septembre 2018. En Afrique subsaharienne, les femmes produisent 80% des denrées alimentaires et représentent 70% de la force agricole du continent. 24 % des femmes africaines parmi les 312 millions de femmes de 18 à 64 ans que compte le continent ont créé une entreprise (contre 17% en Amérique latine, 12% en Amérique du Nord, et 8% en Europe et en Asie centrale).

En dépit de cette situation, les femmes africaines souffrent encore de nombreuses inégalités notamment en termes d’accès à l’emploi, de rémunération et de manière générale d’accès et de contrôle sur les ressources économiques. Quelle situation paradoxale… A l’occasion du 8 mars, Journée internationale des droits de la Femme, le blog Entreprenante Afrique vous propose 4 portraits de femmes africaines aux parcours inspirants ! Focus sur les parcours de Patricia Zoundi Yao, à la tête de plusieurs initiatives entrepreneuriales à fort impact dans le monde rural en Côte d’Ivoire et Catherine Krobo-Edusei, qui gère l’un des plus importants distributeurs de légumes et fruits frais au Ghana.

Retrouvez ici la partie 2, avec les parcours de deux entrepreneures sénégalaises →

 

Patricia Zoundi Yao

Quelques mots sur votre parcours ?

Je suis Patricia Zoundi Yao, entrepreneure dans l’âme comme j’aime le définir. Je suis à la tête de trois structures, dans des secteurs d’activités différents, mais ayant pour cible les personnes en bas de la pyramide. J’ai fondé en 2009 Quickcash, un service de transfert d’argent pour le monde rural. Nous sommes en train de se transformer en Agency Bank compte tenu de la concurrence sur le terrain et les besoins observés des populations. Cela nous permettrait de dématérialiser les services des banques classiques dans les villages ruraux. J’ai également créé Digital Hub, qui offre des services numériques à une clientèle jeune et connectée. Je travaille aussi depuis 2014 dans une structure du secteur agricole, Canaanland, qui permet d’encadrer les agricultrices (70%) et les jeunes (30%). Nous les formons à des techniques d’agriculture durable, à l’agriculture biologique, et nous les accompagnons dans la phase de commercialisation. Notre développement se fait sous forme de franchises car si on veut toucher le plus grand nombre, on ne peut pas procéder par acquisition. D’ici 3 ans, on compte lancer 5 franchises sur la Côte d’Ivoire et le Libéria, qui suivront trois principes clés : 0 déforestation, 0 pesticides et 100% inclusif. Les petits producteurs notamment sont systématiquement pris en compte dans notre chaîne de valeurs.

Pourquoi cet intérêt particulier pour le secteur rural ?

Je suis moi-même issue du monde rural. Mes parents sont agriculteurs, et j’ai travaillé très tôt dans le commerce de village géré par ma mère. Je n’ai connu Abidjan qu’après l’obtention de mon baccalauréat : c’était pour moi un environnement trop moderne où il était difficile de trouver ses marques. Dans mes activités entrepreneuriales, je me suis en fait naturellement tournée vers ce que je connaissais de mieux. Quand j’ai démarré mes activités, je ne connaissais pas le concept ‘’d’entrepreneuriat social’’. J’en ai entendu parler pour la première vois vers 2013-2014. Moi je faisais quelque chose qui me plaisait, un point un trait. J’ai baigné dans cet environnement, et puis je trouve que c’est dans ce milieu que les gens sont le plus sincères en fait : ils ne sont pas réservés, ils sont vrais. Tu vois l’effort, l’énergie qu’ils dégagent, même s’ils restent dans une extrême pauvreté.

Quelles difficultés avez-vous eu à faire face en tant que femme ?

Sincèrement je n’ai eu aucun problème lié à mon statut de femme. Pour moi, être une femme n’est pas un problème, c’est même un atout. Je considère que cela m’a donné des capacités et des qualités essentielles pour réussir dans l’entrepreneuriat : la persévérance, le fait que tu sois celle qui se lève un peu tôt, qui se couche un peu tard…

C’est vrai qu’il y a eu des difficultés à travers mon parcours, mais qui sont liées au business, pas au fait que je sois une femme. Encore une fois, je crois au contraire que cela m’a aidé. La femme est multitâche : elle s’occupe de la maison, des enfants. En fait elle arrive à faire plusieurs tâches en même temps et à bien les faire. C’est pour cela que les femmes rurales sont mes modèles : elles arrivent à faire le champ, s’occuper des enfants, de la cuisine, du ménage. Aussi il parait que les femmes sont plus passionnées que les hommes… Je ne sais pas si cela est toujours vrai, mais en tout cas moi je suis une personne passionnée ! Ce qui me motive, c’est d’offrir des opportunités aux femmes et aux jeunes, surtout dans les zones rurales, où il n’y a pas grand-chose qui se passe.  On a parfois l’impression que les modèles de réussites, c’est uniquement en milieu urbain.

Un conseil aux (futures) femmes entrepreneures ?

Mon conseil c’est de se lancer, car on ne sera jamais prêt. Il n’y a jamais de bon moment. Si on doit se lancer c’est maintenant car l’environnement est favorable. On ne sait pas dans 5 ans quelle sera la nouvelle orientation : il y a des formations, des offres de financements dédiées aux femmes. Et puis se focaliser sur les solutions et non les problèmes. Il faut voir les choses autrement et se donner le leadership qu’il faut et non pas se victimiser. Vous avez toutes les atouts nécessaires pour vous lancer et réussir !

 

 

Catherine Krobo Edusei

Catherine Krobo Edusei, 57 ans, dirige l’entreprise Eden Tree, l’un des principaux producteurs et distributeurs de légumes et fruits frais au Ghana.

Avez-vous eu des difficultés parce que vous êtes une femme ? Si oui, pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

Il m’a été très difficile au début d’obtenir des financements auprès des banques et des fonds de capital-risque, et si j’avais été un homme, cela aurait été plus facile. J’ai également éprouvé des difficultés à travailler avec des hommes de certaines tribus en raison de leur vision de ce que devrait être la place d’une femme.

Qui sont vos modèles ? Pourquoi ?

Oprah Winfrey, Maya Angelou, Yaa Asantewaa, ou encore Hillary Clinton ont été et sont des femmes très fortes, qui n’ont pas eu peur de briser les règles. Il est vrai qu’une femme doit se battre deux fois plus qu’un homme. Les hommes ont la force du réseautage dans leurs différents clubs, alors que les femmes ne réussissent pas très bien pour le moment à réseauter et partager entre elles les opportunités.

Un conseil aux (futures) femmes entrepreneurs ?

Tout donner, se concentrer, travailler dur, croire en elles-mêmes… elles ne le regretteront pas.

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L’entrepreneuriat au service de la santé : l’exemple de la clinique PROCRÉA

  Basée à Abidjan, la clinique PROCRÉA propose une offre de soins dédiée à la santé de la reproduction. Fondée en 2008, elle est aujourd’hui leader en Côte d’Ivoire pour…

 

Basée à Abidjan, la clinique PROCRÉA propose une offre de soins dédiée à la santé de la reproduction. Fondée en 2008, elle est aujourd’hui leader en Côte d’Ivoire pour l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP), une technique qui permet aux personnes qui ont des difficultés à avoir un enfant à réussir à enfanter. Vulgariser cette pratique et la rendre accessible au plus grand nombre est au cœur de la démarche de la fondatrice et actuelle directrice de la clinique, Dr. Myriam Kadio-Morokro BROU. Retour sur son parcours, les obstacles rencontrés et ses motivations.

 

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