ENTRETIEN. Matthieu Lougarre, Directeur général d’Agri Resources Madagascar croit en l’avenir de la vanille et en sa région d’origine, la SAVA. A condition que la qualité de la vanille malgache soit reconnue et protégée.

Propos recueillis par Marion Zucco

Agri Resources Madagascar est une filiale du groupe Agri Resources. Implantée à Antalaha, au cœur de la zone productrice de vanille sur la côte nord malgache Agri Resources se consacre à la culture d’épices et de vanille. L’entreprise gère les activités agricoles à tous les stades de la chaîne d’approvisionnement en produisant ses propres produits qu’elle transforme et livre sur les marchés nationaux et internationaux.

La stratégie principale de la société est de s’inscrire dans une gestion durable de la vanille pour pérenniser les méthodes de préparation traditionnelle de la vanille malgache qui en ont fait sa renommée.

Marion Zucco : Comment Agri Resources favorise le développement d’une production durable de la vanille à Madagascar ?

Matthieu Lougarre : Agri Resources travaille avec des coopératives paysannes sur la zone d’Antalaha et au Nord de Sambava. L’entreprise collabore avec l’Association Inside Madagascar, association s’occupant du suivi de ces coopératives, proposant des formations à de nouvelles cultures, un renforcement sur les techniques agronomiques liées à la vanille, la sécurisation des zones de production et également des projets liés à l’accès à l’eau, aux soins, à l’éducation…

En outre, depuis 2015 nous avons entrepris d’acquérir des terres et de planter des vanilles bio et assurer une base de production certifiée pour satisfaire la demande de nos clients. Cela nous permet aussi de tester d’autres cultures afin d’optimiser la qualité des récoltes.

Combien de producteurs travaillent avec Agri Resources ?

Nous travaillons sur deux axes fluviaux : le premier à proximité d’Antalaha réuni différentes coopératives regroupant 350 producteurs et le deuxième axe, au nord De Sambava, regroupe plus de 1000 paysans. C’est un projet en partenariat avec l’ONG VDB (Vanille Durable Bemanevika) et notre client PROVA.

Quelles sont les conditions pour travailler avec Agri Resources ?

Il n’y a pas de condition particulière pour travailler avec Agri Resources. Dès lors qu’une demande de la part d’un groupe de producteurs est identifiée par nos équipes d’animateurs, nous organisons des réunions et aidons les producteurs à se grouper au sein d’une association/coopérative.

Des standards environnementaux et durables sont-ils instaurés ? Ces standards procurent quels avantages et quelles contraintes pour les producteurs ? 

Nous prévoyons de mettre en place sur la campagne 2020 une certification Rainforest -ONG américaine qui a pour objectif de préserver la biodiversité et la durabilité- avec nos membres afin d’assurer un certain standard de traçabilité et de préservation de l’environnement.

Vanille ou pas, la problématique principale est la forte dépendance de l‘homme aux ressources naturelles. Il n’existe que peu d’alternatives (ou alors très onéreuses) à l’utilisation du bois pour la cuisine, ou pour la construction de maison, de pirogues,  ou encore de clôtures.

Lorsque nous travaillons avec des groupements, nous effectuons des sensibilisations sur la disponibilité décroissante des ressources naturelles, le reboisement avec des essences à croissances rapides pour répondre aux besoins énergétiques des ménages.

Redoutez-vous la concurrence de la vanille synthétique ?

Plus que la vanilline synthétique, c’est la législation sur l’étiquetage des produits qui est problématique et qui induit le consommateur en erreur. De nombreux produits sont étiquetés « vanille naturelle », mais ne contiennent pas la moindre vanille. La législation des USA est également problématique car elle autorise n’importe quel importateur à créer un volume d’extrait de vanille en fonction d’un volume de vanille importé, mais cela sans tenir compte de la qualité intrinsèque de la vanille et du taux de vanilline. Ainsi certains acheteurs n’auront pas de scrupules à acheter et à inciter les producteurs/exportateurs à proposer des vanilles de mauvaises qualités, tant que le prix est intéressant.

Si aujourd’hui il y a des vols de vanilles immatures, c’est qu’il y a un marché derrière et des acheteurs qui n’ont que faire de la qualité.

Peut-on concilier qualité et prix ?

La frénésie de ces dernières années a créé un grand écart entre le prix et la qualité. La pression sur le marché était telle, que la qualité, qui demande du temps, a été effacée au détriment de la quantité de vanille qui se devait d’être disponible rapidement. Ces prix élevés ont incité beaucoup de personnes incompétentes à se mettre dans la filière pour bénéficier de cette manne. D’une vingtaine d’exportateurs en 2015, nous sommes plus de 150 aujourd’hui avec des exigences, des contraintes légales et administratives qui ne sont pas les mêmes.

Pour parler de la qualité, le GEVM (Groupement des Exportateurs de Vanille de Madagascar) se mobilise pour que les dates de récoltes soient en adéquation avec le cycle naturel de la vanille, afin que ces dernières soient matures et que la qualité puisse être retrouvée et constante.

Et peut-on concilier environnement et production ?

La culture de la vanille n’a, à mon sens, pas d’impact majeur sur l’environnement, car la plupart des exploitations sont traditionnelles, sous un couvert forestier. La vanille a besoin de tuteurs naturels pour pousser, il est donc rare de voir que des zones soient déforestées pour y introduire de la vanille.

Comment envisagez-vous l’avenir de la filière ?

C’est très difficile de prédire l’avenir. Ma crainte principale est que, comme en Indonésie, le marché bascule sur du volume plus que de la qualité et que le savoir-faire traditionnel se perde.

Cette hausse des prix a permis à de nombreux autres pays de développer ce type de culture depuis 4 ou 5 ans. Ainsi, l’Indonésie, l’Ouganda, l’Inde pour ne citer qu’eux, ont énormément planté.  Le risque est que d’ici 1 ou 2 ans, on se retrouve avec des excédents de production, face à des consommateurs qui se seront détournés de la gousse naturelle pour de l’arôme synthétique ou naturel mais sans vanille.

Quels sont les projets de votre entreprise ?

Au niveau de la filière vanille, nous continuons de nous professionnaliser afin de répondre aux demandes plus exigeantes de nos clients en termes de certification. Ainsi, nous avons entrepris de certifier Bio nos plantations de vanille et entrons dans une phase de certification HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point) pour répondre aux standards européens et américains.

Au niveau des plantations, nous nous diversifions et incitons également nos groupements de paysans à faire de même, en développant des activités de distillations de plantes aromatiques. La Région SAVA est un paradis agronomique, son développement en dépend.