L’évaluation des sources de l’attractivité avec le prisme de l’Observatoire de la compétitive durable (OCD) révèle, en dépit de handicaps géographiques multiples (enclavement et aridité du territoire), que le Botswana dispose d’une bonne gouvernance, d’un capital humain et financier étoffé et des infrastructures de nature à stimuler une diversification qui permettra la réduction de la dépendance structurelle envers le diamant.

L’attractivité du Bostwana

Classé, en 2016, à la septième place des pays africains en termes d’attractivité par l’Observatoire de la compétitive durable (OCD), le Botswana (68), seul pays sans littoral dans le top 10 des pays africains, surclasse la moyenne continentale (46), fait  mieux que l’Algérie (67) et le Ghana (66).

 

Bechuanaland, le pays où rien ne se passe…

Vaste pays désertique (le désert du Kalahari couvre plus de 80% de la superficie du pays) et enclavé de l’Afrique australe. Le Botswana, à l’époque coloniale Bechuanaland, était le pays dont les administrateurs britanniques disaient volontiers que rien ne pouvait s’y passer… A l’indépendance, en 1966, le Botswana est un des pays africains les plus pauvres. L’abattoir national (Botswana Meat Corporation) constitue la seule industrie. Il dispose d’une faible infrastructure routière (12 kilomètres de routes pavées !) et d’un capital humain très limité (22 universitaires !). Economie fortement agricole, le pays importe l’essentiel de sa consommation et exporte la plupart de sa production.

Une année après l’indépendance, les découvertes successives des gisements diamantifères d’Opara (1967), Jwagneng et Letlhakane (1973) changent radicalement la structure du système productif et modifient la trajectoire économique pour façonner un modèle de réussite et de prospérité en Afrique Subsaharienne. Le Botswana est passé d’une économie pastorale dans laquelle l’agriculture occupait 40% du PIB en 1966 à une économie de rente où l’agriculture représente 2.4% du PIB en 2016. Dunning (2008) estime à 30% le taux de croissance annuel moyen des exportations diamantifères durant la période 1974-1994. Aujourd’hui, les diamants constituent 80 % des recettes d’exportation, et contribuent à 30 % du PIB.

L’exception botswanaise !

Premier producteur mondial de diamant, la prospérité de l’économie repose sur les richesses de son sous-sol (outre le diamant, le pays exploite aussi du cuivre, de l’or, du nickel, de la soude et du charbon). On est là sur une exception dans la mesure où une littérature économique très dense montre que les pays bien dotés en ressources naturelles subissent davantage cette dotation comme une malédiction qu’ils ne l’utilisent pour s’affranchir du sous-développement. Généralement, l’exploitation des minerais engendre la cupidité, renforce les comportements de capture de rentes au sein de l’élite dirigeante. Ces rivalités confortent ainsi des régimes non démocratiques et créent des inégalités menant le plus souvent à des conflits civils et déstabilisations du système politique.

Eviter la malédiction des ressources naturelles

Comme le stipule un proverbe local : « un chef est chef par la grâce du peuple » (The king is king by the grace of the people). La tradition du Botswana porterait en son sein les germes de la démocratie. Dans les tribus Tswana, il existait un « arrangement implicite » entre le peuple et son chef. Ce dernier était préposé à la fourniture de biens publics (cf. Leith, 2005) et était par nature redevable au peuple. La vie politique s’organisait autour du kgotla, sorte de forum public où la plupart des affaires tribales étaient discutées (nouvelles taxations, travaux publics, règlement des conflits, promulgation des décrets). Le kgotla constituait ainsi une tribune où le peuple pouvait publiquement approuver ou contester la politique et le leadership du chef.

Acemoglu, Johnson et Robinson (2002) ont pu soutenir que la colonisation britannique n’avait en rien altéré cette tradition précoloniale à la fois inclusive et contraignante à l’égard des élites politiques. Après l’indépendance, les décisions cruciales prises par les dirigeants, en particulier les présidents Khama et Masire, ont permis le maintien et le renforcement de ces institutions qui allaient aussi bien dans l’intérêt économique de l’élite dirigeante que dans celui de la population. Autrement dit, la richesse diamantifère a procuré des rentes suffisamment bien gérées pour qu’aucun groupe n’ait osé prendre l’initiative de braver le statu quo social. Cette rente a permis de financer les infrastructures et la mise en place des services publics d’éducation et de santé. La richesse par habitant a pu quadrupler en un demi-siècle, ce qui a notamment permis de ramener à 19 %, le taux de pauvreté qui s’élevait encore à 50 % lors de la colonisation.

Les diamants ne sont pas éternels…

Tout n’est pourtant pas si rose au Botswana. Si le développement économique a été fulgurant, le problème de redistribution des richesses au sein des populations n’a été que partiellement satisfaisant. Les inégalités persistent. Environ 30% de la population vit en dessous de la ligne de pauvreté des Nations Unies (1,25 dollar par jour et par habitant). Sur le plan économique, le pays a développé une dépendance à la filière diamantifère, ce qui a eu pour conséquence de le rendre très vulnérable aux instabilités des cours internationaux.

Une analyse à travers l’indicateur de vulnérabilité économique et structurelle de l’OCD, montre qu’en 2016, le Botswana se situe au-dessus de la moyenne africaine (37) avec un score de 43 qui lui confère la quinzième place au classement des pays africains les plus vulnérables économiquement. La cause principale de cette vulnérabilité réside dans la concentration de l’activité sur un petit nombre de produits, dans son exposition excessive aux chocs d’exportations (avec un score de 87, le Botswana se classe troisième derrière l’Angola (98) et la Guinée-Bissau (91)).

 

Compte tenu des récents reculs du marché mondial du diamant et de l’épuisement des gisements, les autorités préparent l’après diamant… Le onzième plan national de développement Intitulé « croissance inclusive pour la concrétisation de la création d’emplois durables et l’élimination de la pauvreté » (NDP 11), lancé en avril 2017, vient répondre aux attentes autour de quelques grandes priorités : diversification des sources de croissance, développement du capital humain et social, utilisation durable des ressources nationales, consolidation de la bonne gouvernance, renforcement de la sécurité nationale, mise en place d’un système efficace de suivi et d’évaluation.

Aux sources de l’attractivité du Botswana

L’Observatoire de de la compétitivité durable fonde son évaluation de l’attractivité sur quatre  rubriques : la gouvernance politique et économique, les infrastructures, le capital humain et financier, et le marché.

 

 

Gouvernance politique et économique

La gouvernance politique et économique constitue le point central de l’attractivité du Botswana. Sur les 52 pays africains classés en 2016 et soumis à la référence des grands émergents (Brésil, Chine, Inde), le pays se situe dans le top 10 avec un score de 83, près de deux fois supérieur au score moyen africain (48).

Au plan politique, le pays jouit d’une grande stabilité depuis son indépendance. Les institutions fortes, ancrées dans les traditions du Botswana, assurent les libertés politiques et individuelles. La redevabilité ontologique des décideurs politiques s’illustre au plan économique par une grande efficacité des pouvoirs publics et une bonne qualité de réglementation mise en œuvre. La pratique et le climat des affaires sont cependant en retrait de ce qui devrait être réalisé, appelant à des efforts pour attirer plus largement la communauté des investisseurs étrangers.

Infrastructures

Avec un score de 41, le Botswana fait mieux que le Kenya (30) et le Nigéria (29), fait jeu égal avec le Ghana et se classe à la première place des pays enclavés les mieux dotés en infrastructures. L’accès à la téléphonie mobile est l’un des meilleurs en Afrique tandis que l’internet ne se situe que légèrement au-dessus des faibles standards africains. Pour ce qui est de l’énergie, le Botswana est dans la moyenne continentale en termes d’accès avec une qualité de fourniture de l’électricité qui demeure largement perfectible. La situation énergétique devrait nettement s’améliorer dans les années à venir avec l’augmentation de la capacité productive des centrales Morupule A et Morupule B, mettant fin à la décennie de pénurie énergétique et permettant même au Botswana de devenir exportateur dans la sous-région.

Bien que le pays pâtisse fortement de son enclavement et du caractère désertique du territoire, d’importants efforts ont été consentis dans le secteur du transport et de la logistique. Avec 50% du réseau routier bitumé pour une densité de 40 km de route pour 1000 km², le score du Botswana s’établit au-dessus de la moyenne africaine (35 contre 29). Le pays a su, par ailleurs, profiter de la bonne connectivité à des ports internationaux présentant une bonne efficacité comme, par exemple, celui de Durban, distant toutefois de plus de 750 kilomètres de Gaborone, la capitale.

Le marché

Après les infrastructures, le marché constitue le second point faible de l’attractivité de l’économie. Au sein du classement africain, le pays occupe la dix-neuvième place avec un score de 52, ce qui le positionne au-dessus de la moyenne africaine (45). Les détails montrent que le Botswana est légèrement en retrait pour ce qui est de la taille et de la dynamique du marché, mais fait mieux que la moyenne africaine en ce qui concerne la demande potentielle du marché évaluée par la taille de la classe moyenne (45 contre 35) et le stock d’investissements directs étrangers (IDE).

Avec un PIB par habitant de 7 596 dollars en 2017, 70% de la population vit au-dessus de 1,25 dollar par jour et par habitant, seuil de pauvreté des Nations Unies. La rente diamantifère a permis l’émergence d’une classe moyenne. Cette population a un pouvoir d’achat qui lui permet de contribuer à une marché intérieur non négligeable. Ce dernier sera plus large si la politique de développement social, initiée par le onzième plan national de développement (NDP 11), atteint son objectif de redistribution plus équitable d’ici 2023. En matière d’attractivité des investissements directs étrangers, le Botswana se classe neuvième avec stock d’IDE par habitant estimé à 2 533 dollars US. Il dépasse ainsi l’Afrique du sud voisine qui n’est classée que dixième et mieux que la moyenne africaine (1 900 dollars) tout en se maintenant encore à distance des 30 000 dollars par habitant des Seychelles…

Comme l’indique le tableau, la taille du PIB et sa dynamique sont en cohérence avec les standards africains. Sur la période 2011-2015, on enregistre un taux de croissance annuel moyen de 4.2%, proche de la moyenne africaine (4%).  Au plan régional, les performances sont plus nuancées.  Du fait de son appartenance à l’Union Douanière de l’Afrique australe, le Botswana bénéficie d’un marché régional plutôt dynamique. Sur la période 2011-2015, la moyenne du taux de croissance annuel moyen des pays limitrophes s’établit à 3.9%, en partie grevée par la faible performance de l’Afrique du Sud, économie dominante de la région australe.

Capital humain et financier

Fort d’un score de 68, le capital humain et financier constitue un atout dans l’attractivité de l’économie du Botswana qui se classe devant le Maroc et le Ghana, largement au-dessus de la moyenne africaine (47).  Les investissements dans les infrastructures d’éducation et de santé ont permis de disposer d’un système éducatif performant : 26 élèves par classe en primaire contre 41, en moyenne, dans les autres pays africains. Les taux d’alphabétisation et de scolarisation s’établissent respectivement à 94% et 77%, performances largement au-dessus de celles du continent : 72% et 50%. Dans le domaine de la santé, la mortalité infantile est l’une des plus faibles du continent, même si le Botswana est confronté aux fortes incidences que pose le VIH/SIDA chez les adultes : 22% de séropositivité, soit le troisième taux le plus élevé au monde. Au plan financier, le pays fait mieux que la moyenne continentale. Le Botswana Stock Exchange est la sixième place boursière africaine, avec une capitalisation qui atteint 34% du PIB.

En résumé…

L’évaluation des sources de l’attractivité avec le prisme de l’OCD révèle, en dépit de handicaps géographiques multiples (enclavement et aridité du territoire), que le Botswana dispose d’une bonne gouvernance, d’un capital humain et financier étoffé et des infrastructures de nature à stimuler une diversification qui permettra la réduction de la dépendance structurelle envers le diamant. Pour que le processus dynamise l’entreprenariat et le développement industriel, des réformes additionnelles s’imposent cependant. Les autorités devront en l’occurrence demeurer mobilisées sur la fiabilité de l’approvisionnement en électricité. En parallèle, elles devront s’efforcer d’améliorer le climat des affaires, faciliter notamment les procédures de création des entreprises, mais également trouver des réponses plus rapides et plus efficaces dans l’exécution des contrats.

Références