Entre fermeture des écoles et apprentissage à distance, la crise sanitaire de la Covid-19 a touché de plein fouet le secteur de l’éducation, de la petite enfance à la formation professionnelle. Nous avons sondé une trentaine d’institutions éducatives africaines pour comprendre, auprès des premiers concernés, les impacts de la crise et les stratégies d’adaptation mises en place.

 

  Un mot de méthodologie avant de commencer…

Le présent article est basé sur les résultats d’un sondage conduit auprès de 36 institutions éducatives africaines.

Les répondants, au nombre de 15, sont majoritairement basés en Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Bénin). Sont également représentées des institutions de Madagascar et du Cameroun. Appartenant au secteur des petites et moyennes entreprises, ces répondants font partie d’une grande variété de segments d’activités : formation professionnelle, éducation supérieure, petite enfance, éducation primaire, éducation secondaire, Ed-tech (technologies de l’éducation), et activités auxiliaires (édition, imprimerie, etc.)

 

Un enjeu principal : le financement

La crise sanitaire représente, sans surprise, un enjeu de taille pour les institutions éducatives interrogées. 53% d’entre elles déclarent un impact négatif, et 13% ont été à l’arrêt. Parmi les différents segments d’activité, celui de la petite enfance est le plus particulièrement touché par la crise (voir notre article “Covid-19 : quels impacts sur le secteur de la petite enfance ?’’)

Les difficultés sont en premier lieu financières, du fait de la difficulté d’opérer un recouvrement des frais de scolarité en période de fermeture des établissements scolaires, à laquelle s’ajoutent la permanence des charges de personnel et de fonctionnement de l’école. L’enjeu des tensions de trésorerie est ainsi celui le plus cité par les répondants, devant les défis des ressources humaines ou de production par exemple [Cf. graphique n°1]. Près de 60% des institutions éducatives ont connu une baisse des revenus liée à la crise sanitaire.

Graphique 1

La situation actuelle, et notamment la fermeture brusque des établissements scolaires a mis en exergue le manque d’infrastructures adaptées à la connectivité au niveau national mais aussi au sein même des institutions éducatives : manque de matériel, classes adaptées, l’absence de contenus en ligne permettant aux étudiants de suivre les cours à distance, le manque de ressources en termes de supports digitaux, l’indisponibilité d’une connexion internet pour plusieurs des étudiants…

 

L’adaptation à la crise et le rôle croissant du digital

La fermeture brusque des établissements scolaires a forcé la grande majorité des institutions éducatives à adapter et repenser leur offre et méthode de fonctionnement. Certaines ont même eu à développer une nouvelle offre. C’est par exemple le cas de KËR Imagination, qui a développé des outils adressés aux parents pour les aider dans l’accompagnement des enfants à la maison. Des changements réalisés en urgence dans le cadre d’une situation inédite, mais qui pourraient devenir permanents pour 47% des institutions interrogées.

Parmi ces changements, le recours au digital et le développement de l’apprentissage en ligne est le plus évident. 60% des répondants ont ainsi utilisé une plateforme digitale comme réponse aux enjeux de la crise de Covid-19 et à la fermeture brutale des établissements scolaires (une plateforme support de contenus pédagogiques et/ou une plateforme d’échanges et de communication avec les étudiants, type Zoom, Teams ou Skype).

On note par ailleurs que cette plateforme a dû être mise en place en urgence pour de nombreuses institutions éducatives, qui ne possédaient pas d’outils numériques spécifiques avant la crise. Ceci a représenté un réel défi pour la poursuite de l’apprentissage : adaptation du contenu, de la pédagogie, des échéances éducatives, maintien de la motivation des étudiants… [Cf. graphique n°2]. Il a fallu également proposer des solutions innovantes aux étudiant(e)s ayant des problèmes de connectivité et/ou ne pouvant travailler depuis chez eux : mise à disposition de la salle informatique de l’institution éducative, impression des supports, financement des connexions internet ou des équipements…

Graphique 2 - les principaux défis liés à la plateforme numérique

Le passage au numérique s’est aussi avéré très difficile, voire impossible, à mettre en place pour certaines institutions, notamment de la petite enfance ou de la formation professionnelle, pour lesquelles l’enseignement à distance n’était pas réalisable. Dans ce cas, la réponse majoritairement donnée a été l’organisation de cours en présentiel, en groupes restreints afin de respecter les gestes barrières. Cette réponse, bien qu’efficace pour ce type de cours, a pu avoir de fortes implications pour les promoteurs : réorganisation de l’espace, achat conséquent de masques et gel hydro alcoolique, désinfection entre chaque groupe…

 

Que restera-t-il de cette adaptation d’urgence sur le moyen et long-terme ?

47% des répondants considèrent que la digitalisation a eu un impact positif sur le contenu offert :

  • La digitalisation a poussé certaines structures à développer de nouvelles offres, et proposer ainsi des contenus plus diversifiés
  • Le passage par le digital a permis d’accéder à un plus grand public, notamment en introduisant des offres de formation continue accessible aux professionnels (qui ont besoin d’une grande flexibilité) et en permettant d’élargir le périmètre géographique
  • Enfin, la digitalisation a permis d’augmenter la capacité d’accueil des institutions de formation, avec une moindre pression sur les infrastructures physiques

En revanche, aucune institution éducative n’envisage dans le futur proche un apprentissage uniquement en e-learning. Mais un modèle d’apprentissage mixte, mêlant e-learning et présentiel devrait se généraliser dans un grand nombre d’institutions éducatives [cf. graphique n°3].

Graphique n°3 | Comment envisagez-vous l'organisation future de votre entreprise ?

 

En conclusion

⇒ Le secteur éducatif, et notamment le sous-secteur de la petite enfance, a été fortement touché par la crise de Covid-19

L’enjeu principal pour ces institutions éducatives est financier, du fait de la difficulté d’opérer un recouvrement des frais de scolarité en période de fermeture des établissements scolaires, à laquelle s’ajoutent la permanence des charges de personnel et de fonctionnement de l’école ayant pour résultat un réel problème de BFR et des tensions de trésoreries non négligeable.

⇒ La situation actuelle, et notamment la fermeture brusque des établissements scolaires, a mis en exergue le manque d’infrastructures adaptées à la connectivité (manque de matériel, classes adaptées etc.)

⇒ Si le digital a plusieurs fois été présenté comme une réponse à la crise de Covid-19, il convient de noter que ce dernier ne représente pas pour ces institutions une option d’apprentissage à long-terme. C’est plutôt l’apprentissage mixte (blended learning) qui pourrait se généraliser.

⇒  Les acteurs interrogés semblent optimistes sur le retour à la « normale » de la situation actuelle. Néanmoins, le secteur est encore mitigé sur la permanence des changements apportés.

 

Pour aller plus loin

Retrouvez nos autres articles du blog sur les enjeux liés au secteur éducatif et la crise Covid-19  :

Covid-19, quels impacts pour le secteur de la petite enfance ?

Les écoles africaines au temps du Covid-19