Ce billet est un plaidoyer pour que Maurice se joigne aux négociations ACCTS.

En marge de la réunion annuelle des Nations Unies à New York en Septembre 2019,le ministre du commerce de la Nouvelle Zélande a annoncé que cinq pays, le Costa Rica, l’Islande, le Fiji, la Nouvelle Zélande et la Norvège entameraient des négociations pour un accord sur le changement climatique, le commerce, et la soutenabilité (« Agreement on Climate Change, Trade and Sustainability » (ACCTS). Ce billet est un plaidoyer pour que Maurice se joigne aux négociations ACCTS.

Maurice figure parmi les premiers signataires de la convention de Rio de 1992 sur la diversité biologique et de l’accord de Paris sur le climat en 2015. Preuve de sa préoccupation de protéger son environnement, Maurice vient d’accueillir pas moins de quatre conférences sur l’environnement. L’insularité de Maurice aggrave la pression des effets des activités de l’homme sur la durabilité de son écosystème.  Certes la réussite économique de Maurice doit beaucoup à sa politique d’ouverture au commerce extérieur.  Cependant politiques commerciales et politiques environnementales ont été poursuivies indépendamment alors qu’un lien entre les deux a été reconnu dans l’ouvrage précurseur «Greening the GATT» publié par Daniel Esty en 1995.

C’est avec l’objectif d’adopter des politiques commerciales qui protégeraient l’environnement en réduisant les barrières sur le commerce des ‘biens et services environnementaux’ que les négociations de Doha à l’OMC ont été lancées en Novembre 2001. Selon la définition de l’OCDE, il s’agit des « activités qui produisent des biens et services pour mesurer, limiter, minimiser ou corriger les dommages à l’eau, l’air et le sol, ainsi que les problèmes liés aux déchets, le bruit et les écosystèmes». Une négociation réussie aurait donné aux pays en développement accès aux biens et services réduisant les dommages environnementaux tandis que ces derniers obtiendraient accès aux marchés des pays à haut revenus pour des biens dont les caractéristiques (production et consommation) sont moins dommageables pour l’environnement (i.e. coutellerie en bois plutôt qu’en plastique). Ni  Doha, ni les négociations  menées par un groupe de 15 pays en 2015 n’ont abouti, les pays refusant d’accepter une liste avec des biens à niveau de protection élevée.[1]

L’accord ACCTS a pour objectifs :

  • L’élimination des tarifs sur les biens environnementaux et la prise de nouveaux engagements sur les services environnementaux
  • Des engagements concrets pour éliminer les subventions aux énergies fossiles
  • Développer des lignes directrices pour les labels écologiques.

Les négociations devraient démarrer en début 2020. Les mesures prises suite à cette négociation entre les cinq pays initiaux seront automatiquement octroyées à tous les membres de l’OMC, indication qu’enfin un groupe de pays prend au sérieux le défi des activités humaines sur l’environnement.

Maurice gagnerait à ce joindre aux négociations ACCTS

Maurice gagnerait à rejoindre ce groupe car :

  • Les mesures prises seraient favorables pour l’environnement
  • Les mesures reflèteraient également les efforts d’autres pays engagés, leur donnant un soutien supplémentaire à Maurice
  • Le caractère «environmentally friendly » améliorerait l’image de Maurice à l’extérieur
  • Les mesures seraient prises probablement plus tôt accélérant ainsi la mise en œuvre des engagements pris par Maurice à l’accord de Paris
  • Les effets de seuil étant importants et difficiles à estimer, il est préférable de prendre des mesures au plus tôt.
  • Participation à une réflexion approfondie sur les labels écologiques serait bienvenue
  • Toute négociation amènera des ajustements mais ceux-ci ne devraient pas être trop coûteux (et certainement moins coûteux que de les retarder). On pourrait noter qu’avec un tarif appliqué moyen de 1% (seulement 4.4% de lignes ont un tarif au-dessus de 10%) et peu d’autres barrières au commerce, les réductions tarifaires sur une liste de biens environnementaux ne nécessiteraient pas un grand effort d’ajustement.
  • Il est probable qu’il faille augmenter le prix des carburants, mais cet ajustement serait probablement moindre que pour Fiji ($0.96 l.) ou le Costa Rica ($1.06 l.)

Maurice célèbre cette année le tricentenaire de la naissance de Pierre Poivre, premier économiste ayant agi sur les conséquences climatiques du déboisement et auteur du Règlement Economique de 1769, fondement de la loi actuelle « Forests and Reserves Act » (toute première loi au monde qui ait parlé d’écologie et de changement climatique), mettant ainsi Maurice à l’avant-garde de la protection de l’environnement (Techera (2019)).

Qu’attend Maurice pour rejoindre ce groupe de 5 pays précurseurs, tous membres de l’OMC, pour prendre la protection de l’environnement au sérieux !

 

 

Notes

Une version abrégée de ce billet a paru accompagnée d’une interview dans Le Mauricien du 3 Décembre 2019 

[1] Une décennie de négociations à l’OMC n’ont pas abouti. Dès le départ les pays n’ont pu se mettre d’accord sur l’approche (sur liste de produits, sur projets, etc…) ni sur une liste de biens environnementaux.  En 2014, 15 pays dont faisaient partie la Chine et le Costa Rica, ont de nouveau entamé des négociations d’élimination des tarifs sur une liste de produits sein de l’OMC (ce qui impliquait que tout accord entre participants serait étendu à tous les membres de l’OMC)  avec pour objectif d’éliminer les tarifs douaniers sur une liste de biens environnementaux à définir durant les négociations. Une fois encore, aucun accord n’a pu être atteint (par exemple l’Union Européenne s’était opposée à l’inclusion des bicyclettes par la Chine sur la liste de produits). Les négociations ont été abandonnées en Décembre 2016.

Référence

Techera, Erika (2019) “Deforestation, climate change and the emergence of legal responses: the international influence of Pierre Poivre’s environmental Leadership” https://www.researchgate.net/publication/337006944_The_international_influence_of_Pierre_Poivre%27s_environmental_law_leadership