Si la bataille réglementaire contre les sachets plastiques a connu des succès remarqués en Afrique, où 34 pays sur 54 en ont banni l’usage, ces victoires ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. Les sachets plastiques sont certes la forme la plus visible de la pollution plastique, mais ils sont loin d’en être la seule source. Il s’agit aussi d’être réaliste : l’usage du plastique n’est pas près de diminuer, pas plus que sa production. Celle-ci pourrait en effet tripler d’ici  2050, à l’heure où leurs méfaits pour la santé et l’environnement font l’objet d’une vigilance accrue.

Le sujet est particulièrement sensible en Afrique, qui est en train de devenir l’un des exutoires des déchets plastiques du reste du monde, sans compter les déchets produits localement. La difficulté à recycler et à valoriser les déchets plastiques qui s’accumulent dans les décharges à ciel ouvert devrait être l’une des priorités des décideurs politiques et des industriels. 

Alors que l’ONU pose les fondations d’un traité visant à résoudre la question des déchets plastiques, il est urgent pour l’Afrique de trouver des solutions qui n’aient pas pour seul objectif la disparition totale des emballages plastiques mais qui visent à développer des modes alternatifs de production de plastiques 100% biodégradables ou recyclables, ainsi que des services de collecte et de revalorisation

Rappelons que le plastique n’a pas que des effets néfastes. Parmi les avantages les plus évidents, les emballages plastiques ont permis d’accroître considérablement la durée de vie des aliments frais. Sans emballages adéquats, on ne pourrait transporter ni viande, ni liquide, ni un grand nombre de préparations dans les villes et les zones les plus reculées du continent. Le plastique est plus léger et plus résistant que le verre, et plus malléable que le métal. C’est un excellent isolant, imperméable, modelable en une infinité de formats, d’épaisseurs et de formes. Si cette matière est aujourd’hui aussi omniprésente, c’est parce qu’elle a démontré des bénéfices que nulle autre matière ne possédait. 

La question n’est donc pas tant la manière de se débarrasser des plastiques que d’en raisonner l’usage, d’en transformer la production et la gestion afin de les rendre recyclables et, autant que possible, de trouver de nouvelles sources (autres que le pétrole…) pour les produire.

Déjà, de nombreuses initiatives émergent  sur le continent africain, pour valoriser les déchets plastiques qui peuvent l’être : réutilisation des déchets pour en faire des briques de construction ou des poubelles publiques, ou encore collecte individuelle des déchets recyclables pour les revendre aux usines spécialisées dans leur transformation. 

Mais ces initiatives ne pourront pas déclencher un mouvement de masse à l’échelle des économies nationales africaines si de véritables circuits de production de plastiques 100% recyclables, de collecte et de recyclage, ne sont pas mis en place. Ces circuits existant pour le verre, rien n’interdit d’imaginer que de la chaîne de valeur du plastique puisse s’en inspirer. 

Tout comme pour les métaux et le verre, le recyclage des déchets plastiques a une logique économique, et des solutions techniques existent déjà (plastiques PET) ou sont en cours de développement (bioplastiques à base d’algues, de champignons, ou synthétisés par des bactéries). Le succès de chacune de ces méthodes dépendra notamment de leur capacité à s’intégrer dans un cycle plus large de réutilisation : soit pour produire du biogaz, soit comme intrant agricole, soit comme produit recyclable sous la même forme. 

Le tournant peut être pris en rassemblant chercheurs, ingénieurs, décideurs publics, industriels, usagers et tous ceux qui, aujourd’hui de manière informelle, demain peut-être en tant que salariés, vivent de la valorisation des déchets plastiques et ont de ce fait développé une expertise dans leur tri, leur collecte, leur commercialisation et leur revalorisation. 

Le fonds Moringa s’engage dans cette voie avec les sociétés de son portefeuille, à travers le projet Moringa/ATAF et la société de conseil The Right Packaging*. Les pistes de réflexion actuellement développées ciblent la maîtrise de la collecte des bouteilles d’eau et de leur recyclage, et l’emploi de procédés de décontamination haute pression (HPP) en tank plutôt que dans l’emballage pour jus de fruits – ce qui permet d’utiliser d’autres matières que le plastique (carton, verre, canette). Pour les fruits secs, il s’agit de privilégier la vente en vrac ainsi que l’utilisation des emballages flexibles mono-matériaux permettant leur recyclage. Ces pistes sont explorées notamment dans les sociétés du portefeuille de Moringa au Mali et au Bénin. 

Le marché du traitement des déchets plastiques recèle d’immenses profits potentiels, et ce même hors des frontières du continent. La production de plastique en Europe commence déjà à manquer de matériaux à recycler et une industrie de retraitement des déchets en Afrique pourrait trouver là un marché secondaire permettant de financer son développement. À terme, le plastique pourrait devenir une matière première convoitée… 

Faire coïncider les intérêts environnementaux, économiques, commerciaux et l’innovation scientifique, telle pourrait finalement être la conséquence heureuse et inattendue des solutions apportées à l’enjeu des déchets plastiques en Afrique.